•  

    Tous les matins, il ouvre son ordinateur pour lire les messages qu'il a reçus pendant la nuit, et consulter les deux ou trois sites Internet qui l'intéressent tout particulièrement. Et tous les matins se produit la même montée d'adrénaline, les mêmes bouffées de colère dirigées contre l'instrument qui n'obéit pas au doigt et à l'oeil à ce qu'il a en tête.

    • Qu'est-ce qu'il est lent ce matin...(Non, en fait c'est lui qui est toujours pressé)
    • Voilà qu'il me fait des mises à jour ! Je n'ai rien demandé, ça va encore prendre des plombes. Et à quoi ça sert les mises à jour ? Après on ne voit rien, c'est comme avant. C'est encore des trucs pour nous faire perdre du temps. (à vrai dire, il ne connaît rien au fonctionnement des ordinateurs, il a acheté un appareil qui doit lui rendre les services qu'il veut et ne rien perturber par ailleurs)
    • Bon sang de bon sang de bon sang !! Hier c'était Gmail qui me demandait mon mot de passe alors que je l'ai enregistré, aujourd'hui c'est le site de la Fédération de bridge qui me dit que mon identifiant n'est pas le bon !......Je ré-essaye. Ah oui, j'ai dû oublier le truc là, l'arobase @. Putain de machine ! (Bien sûr, c'est toujours la faute à quelqu'un ou quelque chose d'autre, jamais à soi-même...)
    • Mais qu'est-ce qu'ils ont encore inventé ! Accepter les « cookies » ??? C'est quoi un cookie ? Et pourquoi ils me le demandent tout le temps ? C'est chiant ! Je n'accepte rien si je sais pas à quoi ça sert. Et je ne vais pas perdre mon temps à chercher, ils n'ont qu'à me le dire. Et ce site qui me fait glander ! Comme si je n'avais que ça à faire...Ah voilà, les résultats du match d'hier..Voyons où je suis... (…) Mais...mais ils m'ont oublié ! Ça ne va pas se passer comme ça. Ils sont cons ou quoi ? Ce site est nul, tous les jours il y a quelque chose qui ne va pas (…) Ah, si, je suis là, mais ça aurait pu être mieux présenté, il faut toujours lire deux fois pour trouver ce qu'on cherche, c'est mal foutu. (c'est de plus en plus la faute aux « autres », aux « ils »...)
    • Bon, mes comptes maintenant. Oh là là la banque ! Encore plus lent que la Fédération. Et maintenant qu'ils m'ont demandé de changer de mot de passe le mois dernier, il faut je ne sais combien de lettres, des majuscules, des minuscules, des caractères « spéciaux », et je ne sais quoi encore, et en plus on ne peut pas les enregistrer, faut que je les note sur un papier sinon j'oublie. Vraiment l'informatique c'est une perte de temps, il paraît que c'était pour en gagner, je ricane. Et personne ne dit rien ! (Visiblement, il a oublié comment c'était il y a vingt ans, quand on n'avait pas les résultats du bridge le jour même sur Internet mais par courrier, et qu'il fallait attendre la fin du mois pour avoir un relevé de son compte en banque)
    • Alors mon compte bancaire...Ben oui, comme toujours ils ne trouvent pas la même chose que moi. C'est désespérant. Je suis toujours obligé de refaire deux fois les calculs de mon côté pour arriver au même résultat. Ils ont sûrement mal recopié un nombre, il y a une différence de 10 centimes. Voyons...les trois chèques...les deux cartes bancaires...Ah merde, c'est moi qui ai pris un 6 pour un 5, désolé. Mais ils pourraient présenter les chiffres en plus gros sur l'écran pour les gens qui ont la vue qui commence à baisser, les jeunes ils s'en foutent des relevés, ils les regardent jamais. Ils pensent à rien les banques, ça m'énerve, on perd le respect des aînés dans notre culture. (Oui, quand on s'énerve on passe rapidement de la faute de frappe à la perte des valeurs de la civilisation occidentale...)

    Il referme le couvercle de son portable, en oubliant de l'éteindre. Ce qui ne l'empêchera pas de disserter doctement pendant le repas sur l'importance des petits gestes de chacun pour économiser l'énergie et modifier nos comportements dans tous les domaines...

     


    votre commentaire
  •  

    L'heure bleue au printemps :

    instant fugace.

    La nuit s'arrête et le jour pointe

    bruits indistincts de l'obscurité,

    silence mystérieux

    moment hors du temps,

    puis éclate le concert des oiseaux

    dans l'air céruléen

     

    L'aube est là

     

    Un premier cri, doux, hésitant

    un second, plus assuré

    puis la sarabande se déploie

    rossignols, merles et pinsons,

    et tous les autres

    accompagnent

     

    L'aurore

     

    Quand l'aube succède à la nuit

    les formes dans le noir

    peu à peu s'éclairent 

    naissance des objets

    Le ciel d'aurore se décore

    de fins nuages orange nimbés de gris

    avant de céder la place

     

    A la puissance du jour

     

     

    Ombre mystérieuse de la nuit

    Clarté fallacieuse du jour

    Aube

    Moment incertain

    Instant en suspens

     


    votre commentaire
  •  

    Debout contre la vitre, je regarde. Dehors le jardin, buissons rabougris, herbe boueuse, branches nues, pluie et vent. Ciel sombre, arbres qui plient, lumière grise.

    Hiver.

    Front brûlant sur le carreau glacial. Pensées qui noircissent. Mon esprit comme les éléments, révolté, furieux. Avec des accalmies éphémères, fausses détentes, comme la tempête parfois.

    Hiver.

    Et puis je ferme les yeux. Derrière mes prunelles closes, le souvenir. Le jardin au soleil, odeurs et bourdonnements. La brise tiède qui agite les rideaux de la croisée ouverte, le parfum des roses de la rocaille.

    Été

    Et toi sur l'herbe alanguie, peau dorée qui sommeille sous mon regard. Qui me guette derrière tes paupières. Je te vois et tu me vois, et tout à l'heure tu te redresseras, tu demanderas et je frotterai ton dos qui frémira sous la caresse. Prétexte. Nous boirons la menthe glacée du thermos, fraîcheur qui fait crisser nos dents. Ton baiser si froid et pourtant si chaud.

    Été

    Mes yeux se rouvrent. L'hiver est là, le souvenir s'enfuit, tu es partie, et le jardin le sait, et le ciel aussi, et le vent qui souffle ton absence dans mes pensées, et la vitre comme une épée de glace qui me transperce la tête sans apaiser ma fièvre.

    L'été de ta présence.

    L'hiver de ton absence.

    Et la vie sans toi qui recommence.

     


    votre commentaire
  • Où suis-je ? Qu'est-ce que je fais là ? J'ai froid....je ne me souviens plus...qu'est-ce qui m'est arrivé ? Il fait noir. Mes pieds sont glacés...mais ils sont dans l'eau !...C'est quoi cet endroit ? Comment suis-je arrivé ici ? Oui, ça me revient... C'est la grotte de Crozon, j'y suis allé avec cette fille, je ne me souviens plus de son nom...Ah oui, Léa je crois, je ne la connaissais pas, on est venus ici pour être tranquilles, c'est tout. C'était un bon plan, mais plus rien après le premier baiser, et maintenant je suis dans l'eau. Qu'est-ce qu'elle m'a fait ? Ou qu'est-ce qu'on m'a fait ? Mal à la tête...Faut que je sorte d'ici. Vite. L'eau clapote sur mes jambes. C'est la mer qui monte. Putain, je vais me noyer ! Faut que j'avance. Ah, là c'est la paroi, vais la suivre. Où est la sortie ? Par là ? Non par là, ça descend. Ne vois rien. Doit être la nuit dehors. L'eau aux genoux maintenant. Mais la grotte n'est quand même pas si profonde... Aïe ! Bon sang, ma tête...Comme si elle n'avait pas assez morflé déjà... C'est quand même pas le plafond j'espère...Je saigne. M'en fous... faut trouver la sortie, ça urge. Suivre la paroi jusqu'au dehors. Ça s'incurve, je tourne en rond, non, non, c'est pas possible...Ouf ça va dans l'autre sens maintenant, ça devait être une alvéole dans la paroi. Pas sorti pour autant, ne vois toujours rien. Et si je criais ? Ya quand même des gens dans le coin, c'est l'été...« Ohé Ohé Au secours au secours... »...Tu parles je m'entends à peine...alors dehors...Je vais quand même pas crever comme ça....C'est pas possible... « AU SECOURS »... « AU SECOURS ! » Rien, j'entends rien ! Faut que j'avance plus vite...Ah, je vois une lueur sur la droite, je fonce. Splash !! Teuheu teuheu teuheu...Saloperie de rocher ! Bu la tasse suis trempé complètement, buté avec mon pied, mal de chien au gros orteil salope de Léa c'est elle suis sûr...Teuheu teuheu vais pas m'en sortir ou alors c'est son mec qui l'a suivie vais le choper...ça remonte un peu on dirait vais m'en sortir c'est sûr, c'est vrai on est entrés à marée basse il faisait encore jour et maintenant ya bien six heures de passées on a franchi la marée haute ça doit baisser faut réfléchir et puis me souviens derrière l'entrée ya un creux avec toujours de l'eau putain la trouille j'espère que personne m'a entendu hurler on va se foutre de moi. Ça y est je vois des lumières c'est la sortie c'est bon. La vache qu'est ce que j'ai fouetté ! Calmos maintenant, mais j'ai la rage. Vais rentrer à l'apparte, à cette heure ci personne ne me verra, enfin j'espère sinon c'est la honte. Demain on va s'expliquer avec cette Léa, elle avait pourtant l'air gentille comme ça, et pas farouche, et je me retrouve à cause d'elle avec un œuf de pigeon sur l'occiput, c'est sûrement un jaloux qui nous a suivis. Mais quand même, si c'est pas elle qui m'a estourbi, elle aurait pu revenir, non, même pas, elle s'est carapatée avec le connard. J'ai la colère maintenant, putain on va pas en rester là. C'est sûrement un gringalet, un costaud m'aurait pas pris en traître. Il va douiller. Mes vêtements sont foutus...Dire que je m'étais fait beau pour draguer ! La grotte c'était romantique, j'ai toujours aimé les marées basses et les brumes sur la mer, et les coins tranquilles...Vaut mieux être réaliste, et prudent. La prochaine fois je serai super prudent, et j'irai plus jamais dans une grotte.

     


    votre commentaire
  •  

    Au passage de l'automne, quand vient l'hiver,

    nous livrons aux flammes du souvenir

    les jours enfuis

    les belles saisons

    de notre jeunesse, de nos printemps, de nos amours

     

    Journées si longues, aujourd'hui si courtes

    incandescence de nos nuits d'été

    transformées en cendres tièdes

    qui réchauffent à peine

    nos chairs autrefois cramoisies

     

    On se disait le bonheur d'être ici

    le chant de l'instant

    nous ne faisions que passer

    méprisant l'irrésistible nostalgie

    des champs noirs de l'hiver à venir

     

    Souvenirs des éclairs de l'enfance

    des éclats de jeunesse

    des tempêtes insatiables de l'âge mûr

    avant que vienne le soir

    que vienne la paix

    que le dernier rayon du crépuscule

    nous laisse dépouillés

    comme un arbre en hiver.

     

     

     

    Merci à François Cheng

    de l'Académie Française

    « L'Orient de tout »

    Recueil de poésies

     

     


    votre commentaire