• Portrait d'un personnage présentant une particularité

     

    Il se prénommait Jacques et, dans la classe, nous le surnommions « le génie », un peu par amitié, beaucoup par dérision. Il n'avait en effet rien de génial, ni dans ses propos, ni dans ses résultats scolaires, ni dans son attitude générale. Ce qui le caractérisait le mieux, c'est le terme « moyen » : un garçon moyen, de taille moyenne, visage ovale sans relief particulier, couleur des yeux indéfinissable, cheveux courts comme tout le monde, ni gros ni mince, à peine musclé, voix ordinaire. De notre groupe, c'était sans doute le moins bavard et celui qui passait le plus inaperçu.

    Il avait néanmoins une caractéristique particulière, dont nous nous moquions sans pitié, ce qui devait l'énerver même s'il n'en laissait rien paraître : il avait la fâcheuse habitude de s'arracher les cheveux. Non, pas par touffes, sous l'effet de la colère ou d'une émotion quelconque, ni parce que sa tête le démangeait, mais un par un : après avoir saisi une mèche entre deux doigts, l'avoir tournée et retournée un nombre incalculable de fois, il baissait la tête, choisissait soigneusement un cheveu parmi tous les autres, le faisait glisser entre deux ongles, et soudain, toc, d'un coup sec il l'arrachait. Il le regardait attentivement pendant plusieurs secondes, puis le jetait à terre ou dans une corbeille à papier, et recommençait. Comme cela lui arrivait généralement pendant qu'il lisait, qu'il essayait de résoudre un problème ou de faire un devoir, bref pendant qu'il réfléchissait, nous en avions déduit ironiquement que c'était une manie liée à la nature profonde de ses réflexions. C'était là le tic révélateur du génie caché sous une apparence anodine.

    La vie qu'il a menée n'a cependant pas montré l'éclosion de ses facultés latentes : il a eu une carrière de petit fonctionnaire, a toujours habité au même endroit et il est resté célibataire. Mais il est devenu chauve : je ne sais pas si cela lui est venu naturellement ou si c'est parce qu'il a fini par arracher tous ses cheveux.

     


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  • Ecrire un texte autour du dicton populaire : "Mieux vaut tard que jamais"

     

    Un soir de printemps, Gabriel rangeait sa cave pour en éliminer les vieilleries accumulées depuis des décennies, lorsqu'il tomba, au fond d'une cantine rouillée, sur une plaque de rue métallique, corrodée, où le fond bleu encore visible laissait apparaître un nom en relief : « Rue Roger d'Andeli ». Pendant quelques instants, il se demanda ce que cet objet faisait là, avant que lui revienne en mémoire cet épisode de sa jeunesse, cinquante ans en arrière...

    Il venait de passer son bac dans un internat militaire, et en attendant les résultats, les élèves n'avaient rien à faire et s'ennuyaient ferme : rien n'était prévu pour les occuper et les sorties en ville étaient interdites. Un soir, après une nouvelle journée vide passée à errer du gymnase au terrain de sport et à sommeiller dans l'herbe, Bernard, Frédéric et Gabriel décidèrent de « faire le mur », sans but précis, rien que pour sortir et voir autre chose. C'était facile, tout le monde savait par où on pouvait passer, un trou dans le grillage au flanc de la colline, derrière le gymnase. Mais que faire une fois dehors ? Les rues étaient vides, la séance de cinéma déjà largement entamée, ils étaient trop jeunes pour s'installer dans un bar, et leur uniforme, bien connu de la population locale les empêchait de se montrer sans risque dans un lieu public.

    Gabriel et ses camarades se promenèrent donc dans les rues résidentielles désertes de la ville, sans trop se montrer, mais en accumulant les bêtises, dans un rythme allant crescendo : sonner à toutes les portes et s'enfuir en courant, taper sur les panneaux de signalisation pour faire le plus de bruit possible, shooter dans les poubelles métalliques, jeter du gravier sur les vitres des fenêtres, et autres frasques aujourd'hui oubliées. Pour terminer leur expédition, ils descellèrent en guise de trophée une plaque de rue que Bernard emporta sous son bras. A leur retour, mauvaise surprise : le surveillant de nuit les attendait devant la porte de leur pavillon. Comme ils le virent suffisamment tôt, ils prirent le parti d'enterrer au plus vite la plaque dans le bois voisin au lieu de la jeter dans un endroit où elle aurait été rapidement retrouvée. Puis ils rentrèrent, furent punis, finirent par oublier cette escapade, et l'affaire en resta là. Après le bac, ils se perdirent de vue pendant longtemps.

    Et voilà qu'il retrouvait cette relique du passé ! Bernard l'avait déterrée, et l'avait donnée à Gabriel quelques années plus tard, le jour où celui-ci, après avoir longtemps cherché, puis enfin retrouvé son camarade, lui avait rendu visite dans son pavillon de Bondy où il vivait avec sa femme et son bébé. Gabriel l'avait rangée, puis oubliée. En la retrouvant aujourd'hui, il retrouvait non seulement la mémoire de ce lointain incident, mais aussi son état d'esprit d'adolescent, si bien qu'une idée loufoque lui traversa l'esprit et lui donna l'envie et le courage de se comporter à nouveau comme un jeune écervelé. Jubilant intérieurement, excité comme un gamin, il se précipita dans sa voiture avec la plaque et sa boîte à outils, et prit la route pour Les Andelys où il arriva bien après que la nuit soit tombée. Il repéra très vite la rue « Roger d'Andeli » grâce à son GPS, et se gara sous la plaque rutilante vissée sur un mur au début de la rue. Quelques coups d'oeil à droite et à gauche, rien à l'horizon. Il sortit un tournevis, et en deux minutes il eut démonté la plaque et remis l'ancienne à sa place.

    Il avait ainsi récupéré une plaque neuve, mais ce n'était pas cela l'important : en homme honnête et scrupuleux, il avait rendu à son propriétaire la plaque dérobée un demi siècle auparavant. Mieux vaut tard que jamais.

    L'honnêteté n'a pas d'âge...


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  • Ecrire un texte commençant par : "Bien des phénomènes étranges ont jalonné ma vie"

     

    Bien des phénomènes étranges ont jalonné ma vie. Oh, rien de véritablement extraordinaire, comme pourraient l'être par exemple la rencontre d'un OVNI, la transmission de pensée ou une expérience de mort imminente ! Mais je me suis trouvé parfois confronté à des situations sortant un peu de l'ordinaire, où l'étrangeté provenait de ma propre vision d'un événement banal et de l'interprétation que j'en faisais, qui venaient en quelque sorte « gauchir » la réalité objective de celui-ci. En son temps, Louis Pauwels aurait appelé cela des situations de « réalisme fantastique » ; avant lui, Lautréamont donnait déjà une signification esthétique à la beauté étrange provenant de la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ; quant à Freud, il a toujours attaché une importance énorme à l'interprétation des rêves et au pouvoir de l'inconscient.

    Voici trois exemples vécus.

    Le premier date de mon enfance, et se rattache à ce qu'on appelle un « rêve récurrent ». Trois nuits de suite, alors que j'avais six ans, j'ai rêvé qu'une sorcière extrêmement laide et méchante me poursuivait et essayait de m'attraper. Mon souvenir est flou sur les détails de cette poursuite, mais je me souviens parfaitement qu'au moment où elle me rejoignait en dardant ses griffes, je me réveillais en sursaut et en criant, pour finir la nuit dans le lit de mes parents. Le plus angoissant résidait dans le fait que le rêve présentait une histoire, c'est à dire que la deuxième nuit était la suite et non la répétition de la première, et la troisième continuait la seconde. La quatrième nuit, je n'ai pas voulu aller me coucher, de peur que la sorcière ne m'achève enfin, mais il ne s'est rien passé, et le rêve ne s'est plus reproduit.

    Le second date aussi de cette même période, mais il est de nature différente. Une nuit s'est produite une éclipse de lune, que nous avons regardée, mes parents et moi, par la fenêtre de ma chambre, dans un silence inhabituel. J'ai éprouvé à cette occasion une sensation bizarre, comme si le surnaturel allait déboucher de manière imminente, comme si un autre monde se rapprochait pour nous envahir. J'éprouvais une vague angoisse, je sentais qu'il se passait quelque chose d'anormal, j'étais dans l'attente d'un événement inconnu qui allait se produire. J'ai été soulagé quand la lune est redevenue comme avant, pleine et brillante, ordinaire. Mais je n'ai jamais oublié cette sensation ancienne, car chaque fois qu'une éclipse est annoncée je me souviens de ce moment et un petit frisson me traverse, comme si je craignais encore que le monde réel et le monde du rêve puissent se mélanger.

    Le troisième se place dans ma vie d'adulte et dans la lignée de Lautréamont, mais sans la dimension esthétique. Un vélo d'appartement et un rameur y remplacent la machine à coudre et le parapluie ; quant à la table de dissection, elle s'est transformée en ...engins nucléaires. Un jour, sur mon sous-marin, dans le seul espace disponible situé entre deux missiles intercontinentaux, je pédalais et je ramais comme je le faisais quotidiennement pour me maintenir en forme, lorsque tout à coup je me suis imaginé planant à quelques mètres au-dessus du navire devenu transparent. Je voyais, tout proche, un homme en tee-shirt et en short qui transpirait pour rester svelte et musclé, comme s'il était dans un gymnase bourgeois à la mode, oubliant qu'il faisait en réalité une sorte de cyclo-cross immobile entre des armes de destruction massive destinées à ravager de lointaines contrées. Cette scène m'a semblé d'une telle incongruité que je me suis demandé ce que l'acteur que j'étais faisait dans cette pièce.

    Quelque temps plus tard, j'ai changé de métier.


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  •  Ecrire un texte commençant par : "ça a commencé comme ça..."

     

    Ça a commencé comme ça.

    Hier je me suis fait virer de mon boulot et j'ai pas voulu le dire à ma Zabelle, j'avais trop honte. Bon, je dis honte, mais c'est pas vrai, on a honte quand on a fait quelque chose de honteux, et moi je me sens pas coupable, c'est l'autre qui avait fait la connerie et on m'a mis ça sur le dos, j'ai eu beau expliquer, ils étaient bouchés. Alors je me suis un peu énervé, enfin même beaucoup puisque j'ai cogné mon chef qui voulait rien comprendre. Quand je dis cogner, il a juste un peu l'oeil au beurre noir, cette mauviette. Mais être mis à la porte, ça la fout mal vis à vis de Zabelle, et y a aussi tous les autres, même quand on a rien fait, ils pensent toujours qu'il y a pas de fumée sans feu et toutes les conneries qui vont avec, on a beau dire, il leur reste toujours le soupçon, c'est terrible les gens.

    Donc, après m'être fait virer comme un malpropre, j'ai traîné un peu pour rentrer à l'heure habituelle et j'ai réfléchi devant un ballon de rouge au Bar des Amis. J'ai décidé de retrouver vite fait un autre job, et quand je l'aurai eu je dirai à Zabelle que j'en avais marre, que j'ai cherché autre chose de mieux ailleurs, et que j'ai eu de la chance. Ça devrait pas être trop dur, c'est pas la première fois que je change de boulot, et j'en ai toujours trouvé un autre tout de suite. Je suis travailleur, je suis fort comme un turc et aussi je sais bien me vendre comme ils disent ceux qui ont des cravates toute la journée. Faut quand même que je fasse gaffe, parce que la dernière fois c'était il y a dix ans, donc j'avais dix ans de moins et une autre allure, et puis y avait pas la crise, même si j'ai pas trop suivi cette affaire de crise à la télé puisque moi j'en avais un de boulot et que je préfère regarder les jeux et pas les infos où ils disent toujours que ça va mal alors que je vois toujours autant de gens se goinfrer dans les restos le soir.

    Bon, revenons à nos moutons, à moi quoi. Je dis ça parce que le mouton c'est moi, ils m'ont bien tondu pendant dix ans pour me jeter après, mais ils perdent rien pour attendre. Aujourd'hui, j'ai rien dit à Zabelle, j'ai fait comme si j'y allais, au boulot, et puis je suis allé pour commencer à l'ANPE, enfin non, c'est Pôle Emploi qu'il faut dire maintenant - toujours changer le nom des choses qu'on connaît pour nous embrouiller – histoire d'avoir mes allocs sans tarder. J'ai rempli plein de papiers et ils m'ont dit de revenir plus tard. Maintenant je suis encore devant un verre de rouge et je réfléchis. Mais ça me fait penser qu'il faut pas que les lettres arrivent à la maison, Zabelle elle aurait vite fait de me demander pourquoi pôle emploi ils m'écrivent, ça serait louche et elle est pas née de la dernière pluie. Peut-être qu'ils pourront me payer en liquide, ni vu ni connu, mais faut pas rêver ; y a aussi la poste restante, enfin je vais voir, mais ça m'énerve déjà toutes ces paperasses. Et puis après faudra qu'ils se magnent le cul pour me trouver un job correct, ils sont payés pour ça non ? Je veux bien chercher un peu tout seul, mais c'est à eux de faire ça d'abord. Ils vont sûrement me sortir une liste et j'irai voir si ça me va.

    Quand même, il est seulement 11 heures, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire cet aprem ? Et demain ? Je peux pas passer mon temps au Bar des Amis à boire des coups, je fais pas ça d'habitude, enfin pas trop, et Zabelle elle a déjà le chic pour repérer si je suis passé au Bar même quand je m'applique à bien me tenir en rentrant, je sais pas comment elle fait, ça doit être l'intuition féminine ou un truc comme ça.

    Ça a continué comme ça.

    Je vous passe les détails, mais ça a pas été drôle ces derniers temps. Faut dire que j'ai été bête, car au lieu de chercher tout seul un boulot au lieu de compter sur ces incompétents de Pôle Emploi qu'ont rien fait, j'ai d'abord essayé de cacher cette affaire à tout le monde et ça m'a pris tout mon temps à trouver des prétextes et des explications qu'on pourrait croire, et résoudre le problème du courrier avec un copain que j'ai baratiné. Et maintenant, voilà que j'ai toujours pas trouvé de travail trois mois après et que Zabelle elle me regarde drôlement, elle doit se douter de quelque chose quand même. Pourtant j'ai été bon je crois, j'aurais jamais cru que je pouvais faire semblant à ce point, à lui raconter le soir des tas de choses qu'ont pas eu lieu, des histoires avec les collègues, les conneries des chefs (là c'était facile), même une histoire d'un ouvrier qu'était tombé d'un échafaudage et qui était maintenant handicapé. J'ai aussi sali exprès mes combinaisons de travail qu'étaient encore pliées, pour qu'elle les lave comme d'habitude.

    Mais maintenant je sais plus quoi faire, ça peut pas durer, et je peux plus lui dire la vérité, c'est trop tard. Trois mois à lui mentir comme ça, ça passera pas. En plus, ça fait un sacré bout de temps qu'elle me tanne pour avoir un môme et que je résiste, on s'est déjà bien engueulés pour ça, si je lui dis que j'ai plus de boulot et que je lui mens, elle va péter les plombs et se tirer.

    Ça a fini comme ça.

    Eh bien, ça s'est produit : Zabelle, elle s'est tirée. En pleurant, preuve qu'elle m'aimait encore, mais ça me fait une belle jambe, elle est partie quand même. Un jour, je suis rentré comme d'habitude, prêt à lui raconter encore une vanne, et elle m'attendait, les lèvre serrées et le regard furibard. J'ai tout de suite compris.

    • D'où tu sors, là ? qu'elle m'a demandé

    J'ai essayé de faire l'ahuri, au cas où, mais sans trop d'espoir.

    • Ben, du boulot, même que...
    • Arrête, elle a répondu, tu mens, tu mens, c'est pas possible de mentir comme ça. J'ai téléphoné à ta boîte, ils m'ont dit que t'avais été licencié il y a des mois. T'es un vrai salaud.

    Elle s'est précipitée sur moi et a voulu me taper sur la figure et partout. J'ai levé les bras pour me protéger, mais j'ai pas osé lui répondre, et j'ai reculé jusqu'au fond de la cuisine.

    Là elle s'est arrêtée de me frapper, elle me faisait pas bien mal, même que ça me faisait presque du bien, je me sentais comme qui dirait soulagé, j'aurai plus à mentir, même si j'ai eu peur de ce qui allait venir. Elle s'est mise à pleurer et s'est reculée.

    • Tu vois, jamais je t'en aurais voulu de t'être fait virer. Tu m'en aurais parlé, on se serait battus ensemble, on se serait aidés, ç'aurait été bien. Mais là, tu as joué la comédie, ton stupide honneur, ta fierté, toutes ces conneries. Et j'ai marché, tellement tu mentais bien. Le mensonge, c'est ce que je déteste le plus, et tu le savais. Maintenant c'est cassé, tu as tout cassé, tout cassé...

    J'ai voulu la prendre dans mes bras et j'ai ouvert la bouche pour dire quelque chose, je ne savais pas quoi, mais j'ai pas eu le temps, elle m'a arrêté tout de suite.

    • Tais-toi, elle a dit sèchement en me repoussant entre deux sanglots, la voix brisée. Tu n'as rien à dire. Y a pas d'excuse. C'est fini, je m'en vais.

    Et c'est ce qu'elle a fait. Je suis resté comme un nigaud assis à table devant la bouteille de rouge que j'avais sortie. Elle est passée devant moi, sa valise à la main, elle m'a même pas regardé, elle a claqué la porte en partant.

    C'était il y a quinze jours. J'espérais un peu qu'elle reviendrait, mais rien du tout. Elle doit être chez son frère. Je ne sais pas quoi faire, et j'ai même plus envie de chercher un autre boulot. Je vais plus au Bar des Amis, je bois seul dans la cuisine et j'attends.


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  • Faire parler un ou des objets

     

    La chaise

    Je suis au service des mollets las et des fondements fatigués.

    Mais je ne suis pas un banc, ni un tabouret, ni un fauteuil, et pourtant j’ai quatre pieds, qui te sont réservés…

     

    Sous les pavés, la plage...

    La Terre en fusion des origines a créé la matière informe dont je suis fait : quartz, feldspath et micaschiste mêlés m’ont fait granite, et j’ai dormi ainsi des millions d’années, objet virtuel qui attendait son heure.

    J’ai fini par naître il y a quelques siècles. Mes arêtes égales et acérées dessinaient la forme d’un cube imparfait, et on m’a mis à terre, côte à côte avec des milliers de mes semblables. Les roues cerclées des chars romains m’ont blessé ; puis m’ont usé celles des charrettes à bœufs des paysans, mais rien ne m’a détruit. Plus tard, je me suis vengé en écorchant à mon tour les pneumatiques des automobiles, qui pourtant me caressaient fugacement.

    Maintenant, le voile noir du bitume me cache le soleil, après une brève résurrection où, dans le feu de l’insurrection, avec mes congénères amassés sur le sable du boulevard, j’ai servi de projectile aux meutes hurlantes et cogné durement les boucliers relevés derrière les barricades.

    Bientôt, on me fera gravats, on me fera poussière, et je serai béton, je ne serai plus rien…


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