• Etranges événements

    Ecrire un texte commençant par : "Bien des phénomènes étranges ont jalonné ma vie"

     

    Bien des phénomènes étranges ont jalonné ma vie. Oh, rien de véritablement extraordinaire, comme pourraient l'être par exemple la rencontre d'un OVNI, la transmission de pensée ou une expérience de mort imminente ! Mais je me suis trouvé parfois confronté à des situations sortant un peu de l'ordinaire, où l'étrangeté provenait de ma propre vision d'un événement banal et de l'interprétation que j'en faisais, qui venaient en quelque sorte « gauchir » la réalité objective de celui-ci. En son temps, Louis Pauwels aurait appelé cela des situations de « réalisme fantastique » ; avant lui, Lautréamont donnait déjà une signification esthétique à la beauté étrange provenant de la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ; quant à Freud, il a toujours attaché une importance énorme à l'interprétation des rêves et au pouvoir de l'inconscient.

    Voici trois exemples vécus.

    Le premier date de mon enfance, et se rattache à ce qu'on appelle un « rêve récurrent ». Trois nuits de suite, alors que j'avais six ans, j'ai rêvé qu'une sorcière extrêmement laide et méchante me poursuivait et essayait de m'attraper. Mon souvenir est flou sur les détails de cette poursuite, mais je me souviens parfaitement qu'au moment où elle me rejoignait en dardant ses griffes, je me réveillais en sursaut et en criant, pour finir la nuit dans le lit de mes parents. Le plus angoissant résidait dans le fait que le rêve présentait une histoire, c'est à dire que la deuxième nuit était la suite et non la répétition de la première, et la troisième continuait la seconde. La quatrième nuit, je n'ai pas voulu aller me coucher, de peur que la sorcière ne m'achève enfin, mais il ne s'est rien passé, et le rêve ne s'est plus reproduit.

    Le second date aussi de cette même période, mais il est de nature différente. Une nuit s'est produite une éclipse de lune, que nous avons regardée, mes parents et moi, par la fenêtre de ma chambre, dans un silence inhabituel. J'ai éprouvé à cette occasion une sensation bizarre, comme si le surnaturel allait déboucher de manière imminente, comme si un autre monde se rapprochait pour nous envahir. J'éprouvais une vague angoisse, je sentais qu'il se passait quelque chose d'anormal, j'étais dans l'attente d'un événement inconnu qui allait se produire. J'ai été soulagé quand la lune est redevenue comme avant, pleine et brillante, ordinaire. Mais je n'ai jamais oublié cette sensation ancienne, car chaque fois qu'une éclipse est annoncée je me souviens de ce moment et un petit frisson me traverse, comme si je craignais encore que le monde réel et le monde du rêve puissent se mélanger.

    Le troisième se place dans ma vie d'adulte et dans la lignée de Lautréamont, mais sans la dimension esthétique. Un vélo d'appartement et un rameur y remplacent la machine à coudre et le parapluie ; quant à la table de dissection, elle s'est transformée en ...engins nucléaires. Un jour, sur mon sous-marin, dans le seul espace disponible situé entre deux missiles intercontinentaux, je pédalais et je ramais comme je le faisais quotidiennement pour me maintenir en forme, lorsque tout à coup je me suis imaginé planant à quelques mètres au-dessus du navire devenu transparent. Je voyais, tout proche, un homme en tee-shirt et en short qui transpirait pour rester svelte et musclé, comme s'il était dans un gymnase bourgeois à la mode, oubliant qu'il faisait en réalité une sorte de cyclo-cross immobile entre des armes de destruction massive destinées à ravager de lointaines contrées. Cette scène m'a semblé d'une telle incongruité que je me suis demandé ce que l'acteur que j'étais faisait dans cette pièce.

    Quelque temps plus tard, j'ai changé de métier.


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