•  Ecrire un texte commençant par : "ça a commencé comme ça..."

     

    Ça a commencé comme ça.

    Hier je me suis fait virer de mon boulot et j'ai pas voulu le dire à ma Zabelle, j'avais trop honte. Bon, je dis honte, mais c'est pas vrai, on a honte quand on a fait quelque chose de honteux, et moi je me sens pas coupable, c'est l'autre qui avait fait la connerie et on m'a mis ça sur le dos, j'ai eu beau expliquer, ils étaient bouchés. Alors je me suis un peu énervé, enfin même beaucoup puisque j'ai cogné mon chef qui voulait rien comprendre. Quand je dis cogner, il a juste un peu l'oeil au beurre noir, cette mauviette. Mais être mis à la porte, ça la fout mal vis à vis de Zabelle, et y a aussi tous les autres, même quand on a rien fait, ils pensent toujours qu'il y a pas de fumée sans feu et toutes les conneries qui vont avec, on a beau dire, il leur reste toujours le soupçon, c'est terrible les gens.

    Donc, après m'être fait virer comme un malpropre, j'ai traîné un peu pour rentrer à l'heure habituelle et j'ai réfléchi devant un ballon de rouge au Bar des Amis. J'ai décidé de retrouver vite fait un autre job, et quand je l'aurai eu je dirai à Zabelle que j'en avais marre, que j'ai cherché autre chose de mieux ailleurs, et que j'ai eu de la chance. Ça devrait pas être trop dur, c'est pas la première fois que je change de boulot, et j'en ai toujours trouvé un autre tout de suite. Je suis travailleur, je suis fort comme un turc et aussi je sais bien me vendre comme ils disent ceux qui ont des cravates toute la journée. Faut quand même que je fasse gaffe, parce que la dernière fois c'était il y a dix ans, donc j'avais dix ans de moins et une autre allure, et puis y avait pas la crise, même si j'ai pas trop suivi cette affaire de crise à la télé puisque moi j'en avais un de boulot et que je préfère regarder les jeux et pas les infos où ils disent toujours que ça va mal alors que je vois toujours autant de gens se goinfrer dans les restos le soir.

    Bon, revenons à nos moutons, à moi quoi. Je dis ça parce que le mouton c'est moi, ils m'ont bien tondu pendant dix ans pour me jeter après, mais ils perdent rien pour attendre. Aujourd'hui, j'ai rien dit à Zabelle, j'ai fait comme si j'y allais, au boulot, et puis je suis allé pour commencer à l'ANPE, enfin non, c'est Pôle Emploi qu'il faut dire maintenant - toujours changer le nom des choses qu'on connaît pour nous embrouiller – histoire d'avoir mes allocs sans tarder. J'ai rempli plein de papiers et ils m'ont dit de revenir plus tard. Maintenant je suis encore devant un verre de rouge et je réfléchis. Mais ça me fait penser qu'il faut pas que les lettres arrivent à la maison, Zabelle elle aurait vite fait de me demander pourquoi pôle emploi ils m'écrivent, ça serait louche et elle est pas née de la dernière pluie. Peut-être qu'ils pourront me payer en liquide, ni vu ni connu, mais faut pas rêver ; y a aussi la poste restante, enfin je vais voir, mais ça m'énerve déjà toutes ces paperasses. Et puis après faudra qu'ils se magnent le cul pour me trouver un job correct, ils sont payés pour ça non ? Je veux bien chercher un peu tout seul, mais c'est à eux de faire ça d'abord. Ils vont sûrement me sortir une liste et j'irai voir si ça me va.

    Quand même, il est seulement 11 heures, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire cet aprem ? Et demain ? Je peux pas passer mon temps au Bar des Amis à boire des coups, je fais pas ça d'habitude, enfin pas trop, et Zabelle elle a déjà le chic pour repérer si je suis passé au Bar même quand je m'applique à bien me tenir en rentrant, je sais pas comment elle fait, ça doit être l'intuition féminine ou un truc comme ça.

    Ça a continué comme ça.

    Je vous passe les détails, mais ça a pas été drôle ces derniers temps. Faut dire que j'ai été bête, car au lieu de chercher tout seul un boulot au lieu de compter sur ces incompétents de Pôle Emploi qu'ont rien fait, j'ai d'abord essayé de cacher cette affaire à tout le monde et ça m'a pris tout mon temps à trouver des prétextes et des explications qu'on pourrait croire, et résoudre le problème du courrier avec un copain que j'ai baratiné. Et maintenant, voilà que j'ai toujours pas trouvé de travail trois mois après et que Zabelle elle me regarde drôlement, elle doit se douter de quelque chose quand même. Pourtant j'ai été bon je crois, j'aurais jamais cru que je pouvais faire semblant à ce point, à lui raconter le soir des tas de choses qu'ont pas eu lieu, des histoires avec les collègues, les conneries des chefs (là c'était facile), même une histoire d'un ouvrier qu'était tombé d'un échafaudage et qui était maintenant handicapé. J'ai aussi sali exprès mes combinaisons de travail qu'étaient encore pliées, pour qu'elle les lave comme d'habitude.

    Mais maintenant je sais plus quoi faire, ça peut pas durer, et je peux plus lui dire la vérité, c'est trop tard. Trois mois à lui mentir comme ça, ça passera pas. En plus, ça fait un sacré bout de temps qu'elle me tanne pour avoir un môme et que je résiste, on s'est déjà bien engueulés pour ça, si je lui dis que j'ai plus de boulot et que je lui mens, elle va péter les plombs et se tirer.

    Ça a fini comme ça.

    Eh bien, ça s'est produit : Zabelle, elle s'est tirée. En pleurant, preuve qu'elle m'aimait encore, mais ça me fait une belle jambe, elle est partie quand même. Un jour, je suis rentré comme d'habitude, prêt à lui raconter encore une vanne, et elle m'attendait, les lèvre serrées et le regard furibard. J'ai tout de suite compris.

    • D'où tu sors, là ? qu'elle m'a demandé

    J'ai essayé de faire l'ahuri, au cas où, mais sans trop d'espoir.

    • Ben, du boulot, même que...
    • Arrête, elle a répondu, tu mens, tu mens, c'est pas possible de mentir comme ça. J'ai téléphoné à ta boîte, ils m'ont dit que t'avais été licencié il y a des mois. T'es un vrai salaud.

    Elle s'est précipitée sur moi et a voulu me taper sur la figure et partout. J'ai levé les bras pour me protéger, mais j'ai pas osé lui répondre, et j'ai reculé jusqu'au fond de la cuisine.

    Là elle s'est arrêtée de me frapper, elle me faisait pas bien mal, même que ça me faisait presque du bien, je me sentais comme qui dirait soulagé, j'aurai plus à mentir, même si j'ai eu peur de ce qui allait venir. Elle s'est mise à pleurer et s'est reculée.

    • Tu vois, jamais je t'en aurais voulu de t'être fait virer. Tu m'en aurais parlé, on se serait battus ensemble, on se serait aidés, ç'aurait été bien. Mais là, tu as joué la comédie, ton stupide honneur, ta fierté, toutes ces conneries. Et j'ai marché, tellement tu mentais bien. Le mensonge, c'est ce que je déteste le plus, et tu le savais. Maintenant c'est cassé, tu as tout cassé, tout cassé...

    J'ai voulu la prendre dans mes bras et j'ai ouvert la bouche pour dire quelque chose, je ne savais pas quoi, mais j'ai pas eu le temps, elle m'a arrêté tout de suite.

    • Tais-toi, elle a dit sèchement en me repoussant entre deux sanglots, la voix brisée. Tu n'as rien à dire. Y a pas d'excuse. C'est fini, je m'en vais.

    Et c'est ce qu'elle a fait. Je suis resté comme un nigaud assis à table devant la bouteille de rouge que j'avais sortie. Elle est passée devant moi, sa valise à la main, elle m'a même pas regardé, elle a claqué la porte en partant.

    C'était il y a quinze jours. J'espérais un peu qu'elle reviendrait, mais rien du tout. Elle doit être chez son frère. Je ne sais pas quoi faire, et j'ai même plus envie de chercher un autre boulot. Je vais plus au Bar des Amis, je bois seul dans la cuisine et j'attends.


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  • Faire parler un ou des objets

     

    La chaise

    Je suis au service des mollets las et des fondements fatigués.

    Mais je ne suis pas un banc, ni un tabouret, ni un fauteuil, et pourtant j’ai quatre pieds, qui te sont réservés…

     

    Sous les pavés, la plage...

    La Terre en fusion des origines a créé la matière informe dont je suis fait : quartz, feldspath et micaschiste mêlés m’ont fait granite, et j’ai dormi ainsi des millions d’années, objet virtuel qui attendait son heure.

    J’ai fini par naître il y a quelques siècles. Mes arêtes égales et acérées dessinaient la forme d’un cube imparfait, et on m’a mis à terre, côte à côte avec des milliers de mes semblables. Les roues cerclées des chars romains m’ont blessé ; puis m’ont usé celles des charrettes à bœufs des paysans, mais rien ne m’a détruit. Plus tard, je me suis vengé en écorchant à mon tour les pneumatiques des automobiles, qui pourtant me caressaient fugacement.

    Maintenant, le voile noir du bitume me cache le soleil, après une brève résurrection où, dans le feu de l’insurrection, avec mes congénères amassés sur le sable du boulevard, j’ai servi de projectile aux meutes hurlantes et cogné durement les boucliers relevés derrière les barricades.

    Bientôt, on me fera gravats, on me fera poussière, et je serai béton, je ne serai plus rien…


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