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    Un jour, quelqu'un m'a confié que le meilleur moment de sa journée était le matin. Comme il ne m'a pas dit pourquoi, et qu'à vrai dire, cela ne m'intéressait pas beaucoup, je ne le lui ai pas demandé, et nous en sommes restés là.

    Quelque temps plus tard, cette remarque anodine m'est revenue en tête, et je me suis posé la question pour moi-même : quel pouvait bien être le meilleur moment de ma journée ? J'ai été surpris d'avoir à chercher, et surtout de ne rien trouver. Il n'y a pas de moment privilégié dans une journée, pour la bonne raison qu'il n'y a pas deux journées qui se ressemblent, sauf si on les réduit aux actes quotidiens nécessaires à la vie biologique : manger, boire, dormir, excréter, se laver, s'habiller. Et encore, tous ces actes ne se ressentent pas de la même façon selon qu'on a dix ans, vingt ans ou soixante, ou selon notre état de santé ou d'esprit du moment.

    J'ai quand même voulu essayer de répondre, même partiellement, à cette question que personne ne m'avait posée, ne serait-ce que pour en savoir un peu plus.

    Lorsque j'étais en activité, je prenais le train tous les matins pour me rendre à mon bureau, et cela a duré plusieurs années. Le trajet durait environ une heure, et c'était un vrai moment privilégié de solitude au sein d'une foule anonyme. Pas de téléphone indiscret, pas de collègues venant me parler, pas de dossier urgent à traiter, pas d'épouse pour me houspiller, pas d'enfants à surveiller. Une parenthèse heureuse, un moment de tranquillité où j'étais libre de ne rien faire ou de faire ce que je voulais : observer au lieu d'agir, lire, somnoler, laisser ma pensée dériver sans but, griffonner parfois dans un cahier des aphorismes définitifs et des pensées forcément profondes. Une sorte de « rendez-vous avec moi-même ».

    Aujourd'hui, cela est plus difficile. Il y a plutôt les moments que je n'aime pas, et par soustraction s'en déduisent ceux qui restent, mais qu'on ne peut honnêtement qualifier de « meilleurs moments » de la journée. Ce sont généralement les transitions entre une activité entreprise par obligation vers une autre plus appréciée, qui donnent cette impression de bien-être éprouvée fugitivement. Par exemple, lorsque je fais mes comptes et que mon épouse m'appelle pour déjeuner avant que j'en aie terminé, j'éprouve un certain bien-être à pouvoir quitter cette activité sans éprouver de culpabilité...

    Il m'est revenu aussi une autre réflexion, faite par la même personne à la suite de la première : « Ma saison préférée est le milieu de l'été », m'avait-il dit, sans plus d'explication. Si j'avais pris la peine de m'intéresser à la question, je lui aurais sans doute répété ce que je viens de dire à propos des meilleurs moments de la journée.

    Cependant...

    Cependant, toutes les saisons ont leurs charmes et leurs désagréments, mais j'aime bien l'hiver, comme je l'ai dit récemment à ma petite fille au cours d'une conversation au coin du feu, car, alors qu'on peut penser que tout est mort, la vie est là, sous-jacente, et prête à exploser dès le premier rayon de soleil : la beauté de l'hiver n'est pas de même nature que celle des autres saisons, car l'hiver les contient toutes. L'exubérance du printemps, la maturité dorée de l'été, le flamboiement de l'automne, tout cela existe déjà, à l'état latent, dans le sommeil de l'hiver.




  • Commentaires

    1
    Lundi 22 Juin 2015 à 18:40

    savoir aimer tous les moments, ce matin je me suis réveillée en pensant que derrière toute "mauvaise chose" devait se trouver une bonne chose...et ensuite je me suis retrouvée coinçée dans un bouchon sur l'autoroute (suite à un accident de camion, ce que j'ignorais); je me suis donc rappelée cette phrase tout en regardant les minutes défiler plus vite que mon compteur kilométrique...il est clair que je serai en retard, mais au final, ce n'est pas si grave...en regard de bien d'autres choses...et je songeais à cette amie qui vient d'être cambriolée...que trouvera t'elle de positif face à ce qui lui est arrivé....en cherchant bien cette théorie a ses limites...comme pour cette famille qui vient de périr dans cet immeuble qui a pris feu cette nuit...je me penche alors sur la puissance des mots et sur l'insolence de ceux-ci selon les moments où ils sont prononçés...enfin tout cela m'éloigne du sujet du moment préféré...et à la fois...je dirai que c'est celui ou j'ai appris   à aimer ce qui était tel que cela était...



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