• Notules

    Bagarre

    Au début de cet été là, j'avais dix-huit ans et je prenais le train de nuit pour aller en vacances dans le midi. Dans mon compartiment de troisième plongé dans l'obscurité, il y avait une vieille dame et une jeune fille, tout le monde essayant en vain de dormir assis sur la moleskine verte et collante des banquettes. A la gare de Dijon, deux militaires sont venus s'installer dans le compartiment. Ils sentaient l'alcool et parlaient fort. Ils se sont assis de part et d'autre de la jeune fille, qu'ils ont commencé à entreprendre avec des plaisanteries douteuses. Elle leur a demandé de la laisser tranquille, ils ont ri et ont continué de plus belle. Je me suis énervé et je leur ai dit, en termes fleuris, qu'on avait envie de dormir et pas d'entendre les propos avinés de dragueurs minables. Ils m'ont sauté dessus illico et j'ai pris une belle raclée. Mais après, ils sont sortis.

    A l'arrivée, je me suis aperçu que j'avais un œil au beurre noir, mais je n'ai rien regretté.

     

    C'est qui ?

    Il est toujours embarrassant de rencontrer quelqu'un qui vous accoste comme si vous étiez une vieille connaissance, et sur le visage duquel vous n'arrivez décidément pas à mettre un nom, ni même parfois un souvenir. Et de peur de paraître idiot, vous faites semblant de le reconnaître, à grand renfort de phrases aussi creuses que possible, du genre : « Alors, qu'est-ce que tu deviens ? » ou « Décidément, tu n'as pas changé ! »...Toujours poser des questions et flatter l'interlocuteur pour qu'il parle de lui, afin d'avoir des indices et que votre mémoire revienne, mais ne jamais se lancer dans des tirades dangereuses qui pourraient dévoiler votre imposture.

    Si ça marche, vous poussez un « ouf » de soulagement quand il s'éloigne. L'ennui, c'est que vous ne savez toujours pas qui c'est, et il est alors devenu très difficile de lui avouer que vous ne l'avez pas reconnu, ce vieux copain....

    Oui, j'oubliais : parfois, il arrive quand même que vous le reconnaissiez, et là, vous pouvez enfin redevenir vous-même !

     

    Johnny s'en va t-en guerre

    C'est le nom d'un film qui raconte l'histoire d'un homme revenu de la guerre sourd, muet, aveugle et tétraplégique. Il est seul avec lui-même, sans aucune communication possible avec l'extérieur, avec les autres, si ce n'est la nourriture qu'on lui fait avaler, et quelques sensations quand on lui touche le visage. Etre prisonnier dans son corps, ne pas pouvoir bouger, ni crier, avec juste la pensée qui tourne en rond et qui finit par disparaître dans la folie...

    C'est une des choses les plus effrayantes que je puisse imaginer, et à laquelle j'essaie de ne pas penser, surtout la nuit.

     

    Les choses dans la cave

    Dans mon sous-sol s'accumulent des tas de choses qui ne sont plus bonnes à rien, sinon à faire ressurgir les souvenirs du passé, du moins si on se décide un jour à y mettre le nez. Ce vieil appareil photo d’avant guerre, au soufflet crevé, tout déglingué, gainé de cuir, ayant appartenu à mon père, que je n’osais pas toucher quand j’avais huit ans... Ou ce Méphistopheles en plâtre, d’un rouge agressif, qui me terrifiait, que j’ai cassé un jour en plusieurs morceaux (était-ce vraiment par inadvertance ?)

    Malgré leur inutilité, toutes ces choses sont des repères, des « activateurs de mémoire », en quelque sorte, des jalons sur la route du temps qui passe…

     

    La nuit face au ciel

    Un soir d'été, à la campagne, nous avons décidé, ma fille et moi, d'aller dormir à la belle étoile, dans les champs alentour. Tout le monde a trouvé cette idée ridicule, mais nous l'avons fait quand même. Munis d'une couverture et d'un coussin, nous nous sommes allongés dans les sillons, et nous avons regardé le ciel. Je lui montrais les étoiles et les constellations, et leurs noms sonnaient dans ma bouche comme des poèmes : Aldébaran, Bételgeuse, Rigel, Deneb, Sirius, Persée, Cassiopée, Orion, les Pléiades...Ensuite, nous sommes allés nous étendre sur les balles de paille empilées un peu plus loin, plus confortables. Nous avons mal dormi, mais nous étions bien.

    Au matin, nous avons regardé le soleil se lever, assis l'un à côté de l'autre, sans rien dire.

    Il y a ainsi de doux souvenirs du passé, des moments uniques que nous aimerions bien revivre, mais qui n'auraient certainement plus le même goût...


  • Commentaires

    1
    Lundi 22 Juin 2015 à 18:28

    ll s'agit à chaque fois d'une rencontre, d'une découverte ou redécouverte...de moments épicés, sucrés, amer selon le goût et la sensation et l'époque...qu'il est bon de vivre et de se remémorer ses instants de la vie, qu'il est bon d'oser entreprendre une légére folie.



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