• L'oeil dans le ciel

    Dans mon rêve, il y avait un œil dans le ciel, un œil énorme, plus gros qu'une montgolfière, d'où pendaient des filaments qui atteignaient presque les voitures roulant dans l'avenue. Cet œil était immobile, seuls les fils qui en sortaient ondulaient doucement. C'était un spectacle inhabituel, mais pas angoissant ni terrifiant, cela semblait même presque normal. Cet œil n'était pas menaçant, il observait, c'est l'impression qu'il donnait. Je dormais, l'oeil était là, et rien ne changeait, sinon les voitures qui passaient et repassaient. J'aurais pu faire autre chose, il n'était en rien gênant, je dirais même, sans savoir pourquoi, qu'il avait quelque chose de rassurant, presque de familier.

    Quand je me réveillai, le souvenir de cet œil était là, vivace, comme si je l'avais réellement vu dans le ciel encore noir du jour qui commençait. Je ne pus m'en empêcher, j'allai vers la fenêtre et regardai au-dehors. En bas, rien d'anormal, les voitures défilaient sur l'avenue dans un grondement assourdi et permanent. Me moquant de moi-même, je ne pus néanmoins m'empêcher de lever les yeux, histoire de m'assurer, sans me l'avouer, qu'il n'y avait rien dans le firmament.

    Il n'y avait que des nuages, plein de petits nuages de beau temps annonçant une belle journée, avec des reflets orange sous le soleil naissant. Je ne sais pourquoi, mais cela me déçut. J'aurais bien aimé que l'oeil soit là. Je le cherchai dans l'agencement des nuages qui se modifiait peu à peu. Au bout d'un moment, je le vis. Bien sûr, quand on cherche quelque chose de précis, on finit par le trouver, surtout dans l'infinie variété cachée sous l'apparente simplicité du ciel. Mais là, avec le souvenir encore frais bien qu'évanescent de mon rêve, il prenait forme, se construisait peu à peu sous l'effet de ma volonté et de mon imagination : cette petite boule noire floconneuse, là, c'était la pupille, pas de doute ; la traînée blanche d'un avion qui passait juste au-dessus, c'étaient les filaments, le nerf optique en train de se reconstituer ; pour le reste, il y avait des masses blanc et bleu, plus ou moins sphériques, plus ou moins reliées, mais c'était bien un œil, assez différent de celui de mon rêve, il suffisait juste que je gomme dans ce que je voyais tout ce qui ne contribuait pas à l'image que je cherchais.

    « L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn », disait Victor Hugo. Ici, nulle accusation cachée derrière la présence de cet œil. Il me regardait, c'est certain, mais c'était parce que je voulais qu'il me voie, il n'était pas là pour me culpabiliser. C'était peut-être l'oeil de Dieu, mais alors d'un Dieu qui s'intéressait à moi, m'obligeant à voir ce qui n'existait pas, voulant me faire comprendre que dans ma vie c'était à moi de rendre réel ce que je désirais, sans attendre qu'on me dise que la vérité est unique et intangible et qu'elle ne dépend pas de moi.

     

     

     


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