• Arpenter les chemins

    Vous aimez marcher seul. Que ce soit dans la nature ou dans les rues d'une ville, vous aimez flâner sans but, ne pas savoir ce qui vous attend au détour d'un chemin, tomber par hasard sur un passage caché, un trou étroit dans un buisson, une cabane en ruine invisible sous une végétation envahissante, une place pavée minuscule serrée entre trois maisons.

    Vous aimez aussi, après un long moment sous le soleil, vous asseoir au bord du chemin à l'ombre fraîche d'un bosquet, fouiller dans votre sac, sortir une gourde, boire à longues gorgées l'eau encore fraîche qui coule sur votre menton et s'infiltre sous votre chemise, brûlure glacée sur votre torse en sueur. Vous fermez alors les yeux et vous laissez les sensations vous envahir : le pépiement des moineaux, la caresse de la brise qui agite doucement les feuilles et glisse sur votre peau brûlante, l'odeur de l'herbe sur laquelle vous êtes assis et de la terre fraîchement remuée du champ voisin.

    Vous aimez enfin, après avoir arpenté les chemins pendant toute une après-midi ensoleillée, vous allonger sur l'herbe de votre jardin, contempler longuement le ciel, les mains derrière la nuque, et laisser courir votre regard et votre imagination. Bleu, le ciel est bleu, pas une trace de blanc, pas un filament d'avion, rien. Rien que la pureté infinie d'un espace qu'on pourrait croire vierge, dans lequel l'esprit se dissout au point que vous pourriez presque vous identifier à Icare prenant son vol pour planer dans l'azur et monter vers le soleil. De là-haut, vous vous voyez allongé, rapetissant au fur et à mesure que vous prenez de la hauteur, hors de votre corps, hors de vos sensations terrestres, vous mettant peu à peu à éprouver celles d'un oiseau, l'air frissonnant entre vos doigts écartés, rafraîchissant vos bras déployés, faisant voleter vos mèches de cheveux. Par dessus tout, vous vous mettez à éprouver une indicible sensation de liberté et de légèreté comme vous n'en avez jamais ressentie sur la terre où, toujours, la pesanteur vous démontre à chaque instant que vous avez un corps, lourd, maladroit, disgracieux, et un esprit qui doit lui ressembler parce qu'il y est attaché.

    Revenu à regret sur votre pelouse, votre esprit continue malgré vous à tournoyer, à s'échapper, incontrôlé, sautant sans crier gare d'une pensée à une autre, du rêve de l'oiseau à la dureté du sol, de l'air rafraîchissant à la brûlure du soleil sur votre peau, de l'état de pur esprit à celui de corps rompu, aux membres douloureux et à la gorge sèche....Et vous songez alors qu'il est temps de décapsuler une bouteille de bière fraîche et de prendre une douche, et qu'il va falloir consulter votre agenda pour vous rappeler ce que vous allez faire demain...

     


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