• A l'aube des ténèbres (2)

    Ecrire le même début d'histoire d'une autre manière

    Texte :

    « Debout, John ! Debout Henry ! » murmura Alice.

    John se réveilla, doucement secoué par la main de sa mère, et s'étira bâillant avant de se lever promptement. A ses côtés, son frère cadet réagissait moins vite, se retournant plusieurs fois avant de rejeter enfin sa couverture en soupirant. Tous deux étaient de grands adolescents de 16 et 17 ans, volontaires et travailleurs, mais Henry avait beaucoup plus de mal que son frère à s'habituer à cette nouvelle vie, à la disparition brutale de presque tout ce qui constituait la civilisation de ce début du XXIème siècle, après que les bombes soient tombées sur la plupart des grandes villes occidentales, et en particulier sur Londres où ils vivaient.

    Ils étaient en vacances en Lozère lorsque la catastrophe s'était produite, mais il avait fallu s'adapter rapidement pour survivre. Par chance, ils avaient un grand potager dans cette maison de campagne, et leurs parents s'étaient même pris au jeu en achetant une vache, des poules et des lapins pour jouer aux paysans français, ou plus exactement, pensait John en souriant, aux citadins en veine de retour à la nature, mais il y avait un gouffre entre cet amusement et ce qui était devenu maintenant un impératif de survie. Puis son père avait été rapidement réquisitionné, tout anglais qu'il était, pour aller avec les hommes valides de la région vers le terminal pétrolier de Fos sur Mer défendre ce qui restait de l'Europe contre les envahisseurs, dont on ne savait toujours pas vraiment qui ils étaient et qu'on n'avait pas encore vus. Cela faisait maintenant près d'un an qu'il était parti, et ils n'avaient pas eu de ses nouvelles depuis ce triste jour.

    Après une brève toilette à l'eau froide, ils s'attablèrent dans la cuisine où Alice leur avait préparé le petit déjeuner : un bol de lait, du pain cuit la veille dans le four, et du beurre baratté la semaine précédente. Ce fut vite expédié, car ils avaient du travail ce matin, le champ à désherber et à préparer avant les semis d'automne, sans aucun instrument mécanique pour les aider. C'était dur, mais ils avaient ainsi gagné des muscles solides, et commençaient même à aimer cette vie, en dépit du manque criant de loisirs qu'elle impliquait. Leur mère était à l'extérieur, regardant une fois de plus la route au fond de la vallée, guettant sans grand espoir l'hypothétique retour de son mari...

    Ils passèrent à la remise derrière la maison pour prendre les outils, bêches, pioches , houes et râteaux dont ils avaient besoin, et grimpèrent sur la colline où se situait le champ, à quelques centaines de mètres, derrière un petit bosquet. Ils se mirent immédiatement au travail. Le temps était gris, il n'y avait pas de vent, et on n'entendait que le bruit des pioches et le souffle des deux jeunes gens.

    Soudain, un bruit inhabituel les fit s'arrêter et relever la tête : venant de la direction de la maison, des bruits de sabots et un hennissement de cheval annonçaient l'arrivée de visiteurs. Ils allèrent jusqu'au bosquet afin de voir qui c'était, et reculèrent immédiatement pour se dissimuler lorsqu'ils virent l'un des trois hommes menacer leur mère qui revenait du pré où elle avait conduit la vache. Elle entra dans la maison, suivie de près par l'individu qui la poussait du canon de son fusil. Les deux autres étaient déjà installés à l'intérieur.

    Les deux frères se concertèrent brièvement sur ce qu'il fallait faire. Ils ne pouvaient laisser longtemps leur mère seule avec ces gens apparemment dangereux, mais ils n'avaient pas d'armes et ne savaient pas si leur présence était connue des intrus. Ils hésitaient. Mais lorsqu'ils entendirent un cri poussé par Alice, suivi de rires et d'exclamations des hommes, ils se décidèrent. A l'aide de la houe, ils ôtèrent rapidement les manches de bois des pioches, et descendirent aussi discrètement que possible le chemin, munis de ces gourdins improvisés. Arrivés derrière la maison, John qui était le plus grand, se hissa sur la pointe des pieds afin de jeter un coup d'oeil par le vasistas de la cuisine, évitant la fenêtre, trop exposée. La scène se figea sur sa rétine comme un instantané photographique : sa mère, de profil, s'activant devant le fourneau, et les trois hommes attablés devant une bouteille, leurs yeux fixés sur elle, le verre à la main. Deux d'entre eux tournaient le dos à la porte, le troisième l'avait sur le côté, et les fusils étaient appuyés contre le mur derrière lui.

    Il expliqua à voix basse la situation à Henry, et ils s'apprêtèrent à agir, le cœur battant. Quand ils entendirent à nouveau leur mère crier, avec le bruit d'une poêle tombant sur la table, ils se précipitèrent. John ouvrit violemment la porte qui heurta le mur, et ils abattirent leur gourdin sur la tête des deux hommes qui leur tournaient le dos, les étendant pour le compte. Mais le troisième arriva à se saisir d'un fusil et tira sur eux au moment où Alice lui frappait sur le bras, envoyant ainsi la décharge dans le sol, avant qu'ils ne reçoive à son tour deux coups de bâton. Sanglotante mais rageuse, Alice ajouta un coup de tisonnier final.

     

     

     


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