• Urbanisme

    Je me souviens des villes des années cinquante.

    Certes elles avaient leur charme, mais dans les faubourgs c'était celui des lieux abandonnés, où les façades décrépites voisinaient avec les ornières creusées dans le goudron, où l'herbe poussait drue au bas des murs, où les trottoirs n'existaient pas, ou si peu. Les tas de pierres qui avaient été des maisons faisaient partie du paysage et les enfants y jouaient comme si ces cailloux avaient été là de toute éternité. Partout des ordures étaient répandues sans que personne ne s'en soucie.

    Dans le centre des villes, un effort était fait, mais la reconstruction effrénée d'après guerre avait la priorité sur l'esthétique et la sécurité des habitants. Les chantiers boueux ceints de branlantes palissades de bois obligeaient à des détours dangereux au milieu des chaussées. Les passages cloutés étaient rares, les « stop » inexistants, les panneaux indicateurs un luxe coûteux. Les rares voitures n'avaient pas à chercher où se garer, n'importe quel endroit faisait l'affaire. Pour faire ses courses, de multiples petites boutiques, affaires généralement familiales, offraient tout ce qui était nécessaire à portée de mains.

    Dans les villages, la modernité n'avait pas encore supplanté les habitudes agricoles ancestrales. Les fermes se trouvaient au cœur de l'agglomération, exhibant fièrement leurs tas de fumier dont le volume attestait de la prospérité de leur propriétaire. Les piétons enjambaient les bouses de vaches, et il n'était pas rare de voir les chariots de foin avançant lentement, traînés par des bœufs.

    Les routes étaient étroites et dangereuses, souvent mal entretenues. A la campagne, beaucoup de voies étaient encore des chemins de terre, défoncés par les chariots et quelques tracteurs.

    Et puis, peu à peu, les choses ont changé. Insensiblement d'abord, sans qu'on s'en aperçoive vraiment. Puis, de manière concertée, aussi bien grâce aux lois successives sur l'urbanisme, que par la volonté des municipalités de rendre leur ville attractive...et le mandat de leur maire renouvelé. Mais tout n'était pas idyllique, loin de là.

    L'automobile individuelle, symbole de liberté, a été l'élément majeur de l'évolution des villes. Dans une large mesure, la voiture a piloté la transformation de l'urbanisme. Dans les centres villes les parkings ont été d'abord délimités clairement, puis sont devenus payants, puis, devant le nombre croissant de véhicules, des parkings souterrains ont fait leur apparition. La sécurité s'est améliorée, la signalisation est devenue précise, les feux se sont multipliés, puis les ronds-points ont fait leur apparition. On a commencé par élargir les routes à trois voies, puis à quatre, avant que, assez tardivement, on entame un programme de longue haleine pour les sécuriser sous forme d'autoroutes.

    Dans les banlieues, les barres d'immeubles ont fourni rapidement des logements à bas prix, mais dans un environnement qui a favorisé le développement de la criminalité. Les squares squelettiques se sont pour beaucoup tranformés en terrains vagues repoussants, les commerces ont fui, se concentrant dans des zones commerciales en périphérie des villes, offrant une variété infinie de produits, mais difficilement accessibles par d'autres moyens que l'automobile.

    Dans les villages, la mécanisation de l'agriculture a supprimé beaucoup de fermes, et celles qui ont subsisté se sont agrandies et installées à l'extérieur. Plus de tas de fumier, plus d'odeurs nauséabondes, plus d'espaces boueux. Les agglomérations ont goudronné leurs routes et leurs places, ont créé des jardins publics. Elles se sont transformées en lieux de résidence, souvent secondaires, les paysans qui les habitaient ayant été progressivement remplacés par des familles travaillant dans les villes alentour

    Aujourd'hui, tout le monde se rend compte que nous sommes peut-être allés trop loin, et des retours en arrière semblent se dessiner pour rendre la vie urbaine explicitement reliée à une manière de vivre plus humaine.

    Les centres villes, de plus en plus désertés au fil des années, commencent à se repeupler doucement de magasins à taille humaine, en réaction aus énormes surfaces de vente que sont les hypermarchés. Les rues piétonnes se multiplient, au détriment de l'automobile devenue persona non grata. Les ronds-points fleuris mettent des touches de couleur partout.

    Dans les faubourgs, la publicité intrusive et omniprésente se réduit ; les centres commerciaux ont arrêté leur multiplication anarchique ; les parcs et centres de loisirs les remplacent. Mais l'abandon partiel de ces surfaces de vente se traduit trop souvent par leur transformation en no man's land lugubres et inquiétants dont la réhabilitation, coûteuse, attend de longues années.

    Que sera l'urbanisme demain ? De nombreuses possibilités s'offrent à nous, dont des expérimentations en cours montrent l'attrait et la faisabilité : réhabilitation thermique des immeubles et des maisons, végétalisation des façades, potagers sur le toit des immeubles, chauffage collectif à partir de déchets, moyens de transport locaux nombreux et adaptés aux besoins de mobilité. Et bien sûr, la disparition inéluctable de la voiture individuelle à carburants fossiles. Les possibilités sont nombreuses et variées.

     


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