• Rencontre douce-amère

    C'est cette sensation qui me fit comprendre instinctivement qu'on se ressemblait beaucoup, même si je ne la connaissais pas depuis plus de cinq minutes. J'avais entendu parler d'elle, bien sûr, il avait bien fallu qu'il me fasse connaître son existence à un moment donné, mais rien qui m'ait donné envie d'en savoir plus. Les propos qu'on tient sur les autres ne révèlent jamais leur personnalité, c'est toujours ce que l'on ressent en leur présence qui est déterminant. Qu'aurais-je fait si je l'avais rencontrée à cette époque ?

    Personne ne disait rien. C'était étrange, puisque c'est elle qui avait voulu me voir. Je me décidai à prendre l'initiative, avec une question sans risque pensais-je.

    • Vous habitez toujours au-dessus de la librairie ?

    C'était vraiment pour meubler, car il me semblait que le tabac-librairie avait été vendu, et l'appartement faisait certainement partie du lot. Je me trompais.

    • Oui, j'y suis toujours. Vous savez, j'ai hérité de tout, mais j'ai mis le commerce en gérance. Je ne pouvais pas prendre votre place, ça n'aurait pas marché. Mais pour l'appartement, c'était autre chose.

    Elle hésita un instant, puis me regardant dans les yeux, elle ajouta en esquissant un sourire crispé :

    • Votre présence était palpable partout, même après qu'il ait disparu...Mais rester était pour moi une sorte de victoire quotidienne, au point que j'ai fini par m'y habituer. C'est même devenu comme une addiction. J'ai voulu déménager pour vous oublier, j'ai loué quelques mois une belle maison pas très loin d'ici, mais je n'ai jamais pu m'y faire. Il me manquait quelque chose. Vous.

    Étonnée par cet aveu inattendu, je ne savais quoi répondre, moi d'habitude si sûre de moi. C'est pour une fois Nadia, habituellement silencieuse, qui prit le relais, ne pouvant refréner sa curiosité.

    • Ça alors ! Après tout ce qui s'est passé, vous pensiez à elle de cette façon ? Vous ne la détestiez pas ?

    Un instant décontenancée, je me repris avant qu'elle réponde. Je commençais à comprendre ce qui nous arrivait : il avait changé de femme, mais il avait repris presque la même, elle me ressemblait tellement ! Je me tournai vers Nadia :

    • Il n'y avait pas de raison pour qu'elle me déteste. C'est moi qui me suis éloignée, tu le sais bien, on en parlait déjà à l'époque. Il a juste trouvé quelqu'un d'identique. Elle voulait sans doute me détester, mais elle n'y arrivait pas. Exactement comme j'essayais de la haïr sans pouvoir le faire. Je me trompe ? dis-je en m'adressant à elle.

    Elle me prit les mains et je me laissai faire.

    • Non, vous avez vu juste. J'ai dû me forcer pour vous contacter, j'avais peur. Maintenant je vois que je me trompais. Il n'y avait rien à craindre. Tout ce temps qu'on a perdu !

    Je lui souris et lui répondis, avec un brin de regret dans la voix :

    • C'est vrai. Mais pour une fois, le temps perdu va certainement se rattraper...On va faire ce qu'il faut pour ça !

     


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