• Lettre d'un admirateur

     

    Chère Irène,

     

    J'ai fait votre connaissance en regardant « Rouge », ce film merveilleux où vous rayonnez tellement qu'en un instant je suis tombé amoureux de vous. Et cela a duré beaucoup plus qu'un instant, puisque cela s'est passé il y a plus de vingt ans et que j'y pense encore aujourd'hui au point de vous écrire cette lettre.

    Je ne savais pas qui vous étiez, je n'avais vu aucun film où vous apparaissiez, je ne connaissais même pas votre nom...Et cependant vous m'avez subjugué, le mot n'est pas trop fort, ou plutôt c'est votre personnage qui m'a ensorcelé, cet archétype de la femme idéale avec laquelle on aimerait vivre une histoire d'amour totale et unique. Certes, Trintignant joue merveilleusement, et Kieslowski a bien du talent, mais sans vous cette histoire n'existerait pas.

    Pourtant, on ne peut pas dire qu'il s'agisse vraiment d'amour : je suis plutôt dans le même état d'esprit que Trintignant qui, à votre contact, abandonne son cynisme et se remet à croire à l'existence de ce qui est beau. Cela me fait curieusement penser à ma mère, que je voyais très peu après avoir commencé ma vie d'adulte : je savais seulement qu'il y avait quelqu'un, quelque part, qui m'aimait sans restriction ni condition, et cela me suffisait. Avec vous, je sais qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui ne me connaît pas, mais qui m'a fait vibrer et sentir vivant de manière intense, et c'est bon de le savoir, même si c'est déchirant, même si nos chemins ne se croiseront jamais. Trintignant, lui, a eu beaucoup de chance dans « Rouge » : il vous a connue, même tardivement, et cela a racheté tout le fiasco de sa vie antérieure.

    Je parle du film, mais pour moi Valentine, dans la vie réelle, c'est vous. J'imagine mal qu'il puisse en être autrement, que vous soyez très différente de cette fille douce et lumineuse, si intuitive dans sa compréhension des autres. Mais alors, me direz-vous, pourquoi avoir attendu vingt ans pour vous écrire ? Peut-être ai-je eu peur que vous ne soyez pas tout à fait Valentine...Peut-être ai-je pensé que c'était sans espoir, perdu d'avance...Peut-être ai-je trop écouté ma raison, qui me disait que le coup de foudre n'a rien à voir avec le bonheur, qu'il ne peut durer qu'un moment, sinon toute sa magie s'évapore... Aussi, pour retenir intact ce bref et profond éblouissement, j'ai compris avec beaucoup de mélancolie qu'il ne fallait pas chercher à en savoir plus sur vous, ce que j'ai fait. C'est ainsi que j'ai gardé de vous, blotti dans mon cœur, ce souvenir vivant et chaud qui, à chaque fois que baisse ma confiance en la nature humaine, me permet de voir ce qu'il y a de beau dans chacun de nous.

    Et si je vous écris aujourd'hui, c'est que les dés sont jetés, définitivement, et que nous n'avons plus rien à craindre ni à espérer. Malgré les années qui ont passé, vous devez être toujours aussi radieuse aujourd'hui que dans mon souvenir, et moi, je ressemble de plus en plus au Trintignant du film, en plus âgé, moins cynique, plus apaisé, mais avec les mêmes sentiments à votre égard. Je voulais comme lui vous dire cela avant qu'il ne soit trop tard. J'ai peur de vous paraître assez ridicule, mais si vous êtes comme je l'imagine, je suis sûr que vous me comprendrez.

    Le seul vœu que je formule à votre égard, c'est que vous viviez encore de nombreux moments de bonheur. J'espère malgré tout que, parfois, vous penserez encore fugitivement à votre admirateur inconnu qui souvent rêve de vous...

     


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