• Jeux exotiques

    le 5 décembre 2012

    Souvenir d'enfance, à la manière de Philippe Sollers

     Texte :

    Jeux exotiques

    Je suis né au Maroc, et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de neuf ans, dans un village en hauteur sur les pentes du Moyen Atlas.

     Je jouais avec mes copains dans la ville ancienne, la médina. On courait entre ma maison, la route de terre qui passe devant, le garage Garcia situé sur la route goudronnée qui va à Aïn Taoujdat, le souk, la ruelle qui le longe et qui nous ramène devant la menuiserie Hamon. Il y avait aussi un sentier qui, partant devant la menuiserie et contournant la kissaria, aboutissait sur la route près de chez Garcia.  Enfin, un ruisseau passait dans le coin, je ne sais plus très bien où, ce devait être celui qui venait de la cascade près de la demeure du caïd. On jouait souvent aux cow-boys avec des pistolets en bois, et puis on se tendait des pièges. L’un de ceux-ci, dont je me souviens particulièrement, consistait à creuser un trou dans le sentier herbeux, à le remplir d’eau, à le couvrir de feuilles et de brindilles pour que ça ne se remarque pas. Puis on appelait un copain absent pour soi-disant jouer, et on le conduisait, l’air de rien, vers le trou pour qu’il tombe dedans et se retrouve les pieds mouillés…Une fois, on n’avait rien pour couvrir le trou, jusqu’à ce qu’on déniche dans un tas de saletés à proximité une toile goudronnée assez épaisse et large pour tout couvrir. L’ennui, c’est que cette toile était trop raide, trop solide, et n’a pas plié sous le poids du gamin piégé quand il a marché dessus. Vexés, on s’est mis à piétiner le piège récalcitrant, sautant dessus à pieds joints, de plus en plus fort, jusqu’à ce qu’il cède. On est rentrés chacun chez soi le soir, les pieds mouillés et rouges de la terre locale.

    On allait aussi rôder autour du souk les jours de marché. Il y avait là des ânes et des mulets, et les ânes souvent se mettaient à uriner copieusement et parfois à étirer leur pénis colossal presque jusqu’au sol. Avec mes copains, on lançait alors des cailloux ou on utilisait nos lance-pierres pour essayer d’atteindre  ce gros machin qui nous impressionnait et générait, déjà, des plaisanteries douteuses…Quand un caillou atteignait sa cible, la bête sautait en l’air en poussant un braiement de protestation, et leurs propriétaires se demandaient ce qui se passait, à notre grand ravissement. Il fallait tout de même faire attention, parce que les arabes n’appréciaient pas du tout cela et nous poursuivaient, nous lançant à leur tour des projectiles tout en nous insultant, j’imagine, dans leur langage rocailleux et incompréhensible.

    Entrée de la kissaria                                         Ma maison à gauche                                           La place du souk       

    Kissaria

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