• Eloge d'Augustine

    Augustine, née en Lorraine à l'aube du siècle dernier, était la troisième - ou la quatrième car elle avait une sœur jumelle - d'une famille de douze enfants. Toute sa vie, qui dura 77 ans, elle se consacra au service des autres, sans jamais rechercher un avantage pour elle-même. On pourrait appeler cela de l'abnégation, ou encore du désintéressement, mais elle était seulement elle-même, simple et généreuse. Par exemple, après la naissance de son fils, elle proposa de donner aussi le sein à la fille de sa voisine, que pourtant elle connaissait à peine. Cette femme n'avait pas de lait, et son bébé s'affaiblissait chaque jour. Pendant des mois elle s'occupa ainsi des deux enfants, qui lui prenaient l'essentiel de ses forces, sans pour autant délaisser ses tâches ménagères quotidiennes. Elle maigrit de manière considérable, la fatigue était permanente, mais jamais elle ne se plaignit. Quand on lui faisait des compliments, elle minimisait toujours son rôle : n'importe qui aurait fait la même chose, disait-elle.

    Elle eut une vie laborieuse. Utilisée par son père, comme les autres enfants de la famille, pour les travaux des champs pendant la guerre de 1914, elle reçut une éducation très sommaire. Mais elle ne manquait pas d'intelligence ni de volonté, elle apprit seule le français après 1918, tout en servant comme domestique dans une famille parisienne aisée. Là, elle fut engrossée par un ami de la famille, car personne et surtout pas sa mère, ne lui avait expliqué comment les bébés venaient au monde : on ne parlait jamais de ces choses honteuses dans les foyers catholiques, surtout à la campagne...Chassée et mise au ban de sa famille, elle affronta seule toutes les épreuves sans jamais baisser les bras : après la générosité, ses qualités les plus marquantes étaient le courage, la persévérance, le sens du devoir, et sa vie le démontra. Elle dut mettre sa fille en nourrice ; à la fin du mois il lui restait à peine de quoi survivre, mais elle résista toujours dans la dignité. Elle exerça comme serveuse dans un café, en butte aux avances permanentes des hommes, sans y céder. Elle rechercha longtemps son séducteur puis, l'ayant retrouvé, lui écrivit pendant des années, lui donnant des nouvelles de sa fille, jusqu'à ce qu'il finisse par revenir pour l'épouser. Mais jamais elle ne le menaça ni ne lui reprocha ce qui était arrivé. Plus tard, elle alla même jusqu'à le remercier de lui avoir donné une jolie petite fille, devenue une belle jeune femme qui fonda une famille, dans les règles cette fois. Après tous ces détours, ils furent finalement très heureux ensemble.

    Elle mit ainsi au monde son deuxième enfant, un garçon, qu'elle éleva avec une tendresse parfois rude, avec amour et le souci d'en faire un homme bon et un bon chrétien. Sur ce dernier point, elle échoua, mais pour le reste, elle n'avait pas besoin d'expliquer quoi que ce soit, tout coulait de source.

    Après la mort de son mari, elle se retira dans son village lorrain, où elle s'occupa de son jardin, de son poulailler, de ses lapins, et bien sûr de son église. Elle mourut trop tôt, d'une maladie qui la fit souffrir longtemps, qu'elle cacha à ses enfants pour « ne pas les déranger », sans que cela fit pour autant chanceler sa foi. Car tous ces événements d'une vie difficile ne l'ont jamais fait dévier de sa croyance : Dieu avait voulu tout cela, et c'était bien ainsi.

     

     


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