• Dormir, enfin...

    La nuit est propice aux rêves. C'est une évidence, une banalité, un truisme. Encore faut-il dormir pour que les rêves surviennent. Les plus réalistes, parfois les plus merveilleux, sont ceux qui surviennent dans le demi-sommeil, quand les yeux se ferment doucement sur le livre qui s'incline, ou quand les premières lueurs de l'aube vous réveillent progressivement. Mais les plus angoissants sont ceux du cœur de la nuit, quand vous vous dressez brusquement sur votre lit pour une raison inconnue, sans savoir où vous êtes, qui vous êtes, ce que vous faites là.

    Les rêves qui surviennent alors sont brefs, brutaux, rarement souhaités. Vous aimeriez pourtant, quand les barrières disparaissent ainsi dans les brumes du sommeil, qu'une belle femme vienne vous hanter, vous sourire, vous parler, vous embrasser, vous caresser. Mais c'est rare. C'est plutôt la violence qui, franchissant les barrières de la conscience, vous envahit, vous agresse. Vous rêvez : de chiens qui s'approchent lentement, menaçants ; d'assassins qui veulent votre mort, brandissant des armes blanches, celles qui vous font trembler rien qu'à les voir ; de monstres terrifiants. Ou encore, vous faites des rêves claustrophobes, les pires. Alors vous vous agitez, vous perdez votre respiration, vous balbutiez des sons informes qui veulent ressembler à des paroles mais qui n'en sont pas, vous donnez des coups de pied pour repousser ces apparitions réalistes, les couvertures voltigent, vous finissez parfois par vous faire très mal quand, dans votre agitation, vos orteils ou vos poings heurtent les murs ou les meubles à proximité. Il vous arrive même de tomber de votre lit, couvert d'une sueur froide. Tout cela est angoissant, mais vous finissez par vous réveiller, par vous retrouver dans votre monde normal, celui qui rassure tout en cachant pourtant de nombreux secrets dans les méandres de vos circonvolutions cérébrales.

    Quand le rêve n'est pas là, c'est l'insomnie qui s'installe. Après un mauvais rêve, vous avez toujours du mal à vous rendormir. Parfois, l'insomnie est là, dès le départ. Vous vous retournez dans votre lit, vous allumez, vous éteignez, vous prenez un livre quelques minutes, vous le reposez, votre pensée erre, de ci, de là, sans but, sans sujet précis. Vous voulez dormir, c'est tout. Mais la pensée résiste, elle vous envahit quand vos paupières commencent à s'alourdir, et soudain vous voilà à nouveau conscient, bien réveillé, attentif aux bruits extérieurs et aux craquements du plancher. Vous commencez un voyage intérieur erratique : ce que vous allez faire le lendemain, ce qu'il ne faut pas oublier, la liste des choses à régler au plus vite ; ou sans transition, la liste des femmes que vous avez connues, le souvenir de moments heureux, ou malheureux. Il vous arrive même de faire des calculs mentaux, sur tout et n'importe quoi, l'âge de Untel, en quelle année tel événement s'est produit, quel âge aviez-vous alors, comme le temps passe, en 2030 vos enfants auront quel âge, l'équation de la courbe du chien... Bref, tout et n'importe quoi, mais quand ça commence, c'est pour longtemps.

    Le plus agaçant, tout de même, c'est de ne pas vous apercevoir du moment où vous vous endormez. Vous vous réveillez des heures plus tard, vous avez dormi sans le savoir, et enfin réfugié dans les bras de Morphée, jamais vous ne pourrez dire : « Ouf ! Ça y est ! Enfin je dors. », car personne ne peut être conscient de l'instant où la conscience vous abandonne.

     


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