• Vous aimez marcher seul. Que ce soit dans la nature ou dans les rues d'une ville, vous aimez flâner sans but, ne pas savoir ce qui vous attend au détour d'un chemin, tomber par hasard sur un passage caché, un trou étroit dans un buisson, une cabane en ruine invisible sous une végétation envahissante, une place pavée minuscule serrée entre trois maisons.

    Vous aimez aussi, après un long moment sous le soleil, vous asseoir au bord du chemin à l'ombre fraîche d'un bosquet, fouiller dans votre sac, sortir une gourde, boire à longues gorgées l'eau encore fraîche qui coule sur votre menton et s'infiltre sous votre chemise, brûlure glacée sur votre torse en sueur. Vous fermez alors les yeux et vous laissez les sensations vous envahir : le pépiement des moineaux, la caresse de la brise qui agite doucement les feuilles et glisse sur votre peau brûlante, l'odeur de l'herbe sur laquelle vous êtes assis et de la terre fraîchement remuée du champ voisin.

    Vous aimez enfin, après avoir arpenté les chemins pendant toute une après-midi ensoleillée, vous allonger sur l'herbe de votre jardin, contempler longuement le ciel, les mains derrière la nuque, et laisser courir votre regard et votre imagination. Bleu, le ciel est bleu, pas une trace de blanc, pas un filament d'avion, rien. Rien que la pureté infinie d'un espace qu'on pourrait croire vierge, dans lequel l'esprit se dissout au point que vous pourriez presque vous identifier à Icare prenant son vol pour planer dans l'azur et monter vers le soleil. De là-haut, vous vous voyez allongé, rapetissant au fur et à mesure que vous prenez de la hauteur, hors de votre corps, hors de vos sensations terrestres, vous mettant peu à peu à éprouver celles d'un oiseau, l'air frissonnant entre vos doigts écartés, rafraîchissant vos bras déployés, faisant voleter vos mèches de cheveux. Par dessus tout, vous vous mettez à éprouver une indicible sensation de liberté et de légèreté comme vous n'en avez jamais ressentie sur la terre où, toujours, la pesanteur vous démontre à chaque instant que vous avez un corps, lourd, maladroit, disgracieux, et un esprit qui doit lui ressembler parce qu'il y est attaché.

    Revenu à regret sur votre pelouse, votre esprit continue malgré vous à tournoyer, à s'échapper, incontrôlé, sautant sans crier gare d'une pensée à une autre, du rêve de l'oiseau à la dureté du sol, de l'air rafraîchissant à la brûlure du soleil sur votre peau, de l'état de pur esprit à celui de corps rompu, aux membres douloureux et à la gorge sèche....Et vous songez alors qu'il est temps de décapsuler une bouteille de bière fraîche et de prendre une douche, et qu'il va falloir consulter votre agenda pour vous rappeler ce que vous allez faire demain...

     


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  • Dites ce que vous apporte ou pas l'atelier d'écriture, et comment vous souhaitez le faire évoluer

     

    Comme je l'expliquais lors de la première séance de « Liberté d'écrire » en 2012, ce qui me poussait à venir participer à un atelier d'écriture était simplement l'envie d'écrire, qui m'a toujours animé, sans jamais avoir été vraiment satisfaite. En effet, cette envie se heurtait à deux obstacles rédhibitoires, toujours pas surmontés d'ailleurs.

    Le premier se trouve être la paresse, ou le manque de persévérance, pour me mettre devant une feuille blanche et commencer à écrire, avec un sujet, un plan, une méthode, la volonté de sortir un texte travaillé, bref avec un véritable projet solide nécessitant inspiration, réflexion et travail. Venir à Dreux à jours fixes avec l'obligation d'avoir rédigé un texte aussi bon que possible était un aiguillon pour me « forcer à m'y mettre ».

    Le second est la difficulté de choisir un sujet, de raconter une histoire inventée : je n'ai pas beaucoup d'inspiration propre et le fait d'avoir une « commande », un thème, même vague, à développer, constitue la graine à partir de laquelle j'arrive au contraire à imaginer une histoire assez facilement.

    L'atelier d'écriture constitue donc un moyen efficace de contourner ces deux obstacles pour arriver enfin à produire quelque chose qui, je l'espère, arrive à tenir la route. Ce que l'atelier n'arrive pas à faire, néanmoins, en raison de ses contraintes propres, c'est la production d'un texte complet qui soit autre chose qu'une simple page écrite parfois en quelques minutes la veille de la réunion. Arriver à écrire une histoire, sous la forme d'une nouvelle, d'un récit, voire d'un roman, voilà ce qui manque encore, même si on a déjà essayé de le faire à deux ou trois reprises. Mais il est évident que cela ne peut se faire qu'en dehors de l'atelier, par un travail personnel assidu s'appuyant éventuellement sur les fragments produits dans l'atelier et sur les éléments méthodologiques fournis au cours de certaines séances.

    Concernant ma manière d'écrire, il y a peu de choses à dire, car j'ai le sentiment qu'il y eu peu de changements dans mon style. Elle se rapprocherait de l'idéal de Flaubert (à moins que ce ne soit Stendhal ?), qui voulait pouvoir tout exprimer en écrivant comme le code civil : j'essaie de faire des phrases claires et compréhensibles, sans m'embarrasser de tournures recherchées, de métaphores originales ou pas, de figures de style artificielles. A chaque fois que j'ai essayé, je me suis fourvoyé. C'est aussi pour cela que la poésie, qui fait appel aux subtilités et aux sonorités de la langue, m'attire peu. La seule chose qui ait un peu changé, il me semble, c'est ma vigilance accrue pour faire des phrases courtes plutôt que des périodes à la Proust, faire la chasse aux clichés et aux répétitions, bannir conjonctions et adverbes inutiles. Les remarques faites par certains dans l'atelier ont été déterminantes pour cette évolution.

    Au-delà, l'acquisition d'un style propre passe par des exercices obligés, qui peuvent être ennuyeux, mais qui sont nécessaires pour bien raconter une histoire : savoir faire le portrait d'un personnage et décrire un paysage sans que cela devienne un pensum pour le lecteur, glisser les éléments biographiques nécessaires au bon moment sans que cela ressemble à un curriculum vitae, organiser des dialogues réalistes qui ne soient pas des déclamations ou des échanges poussifs, ne pas se lancer dans des explications sans fin que le lecteur va finir par sauter, éliminer les détails inutiles, savoir amener une chute quand c'est le cas. Cela peut passer par la lecture de textes exemplaires, qu'on nous demanderait, dans un premier temps, d'imiter.

    Quant au fond, au travers d'une histoire, il faut avoir envie de dire quelque chose. Cela ne se décrète pas, mais il faut avoir dès le départ une idée de ce qu'on veut raconter et pourquoi on raconte ça et pas autre chose. Cela peut être ténu, impalpable même, mais c'est au travers du cheminement d'une narration qui « accroche » que le récit prendra corps pour aboutir à un texte réussi. Mais je crains que cela ne s'enseigne pas, c'est à nous de chercher et de trouver, si possible.

    En dehors des histoires inventées à raconter, qui m'apparaissent souvent anecdotiques, et pour tout dire, assez inutiles, surtout si elles sont mal exposées, j'ai parfois envie de raconter mon histoire personnelle. Je l'ai fait plusieurs fois au cours des cinq années d'atelier, mais toujours par bribes, dans des textes courts ou partiels, sans lien entre eux. Si je voulais me lancer sérieusement dans l'écriture d'une autobiographie, comme plusieurs d'entre nous le font ou ont pour objectif de le faire, ce serait certainement autrement qu'en accolant bout à bout des fragments, des événements isolés : il faudrait une continuité, une manière de faire, un choix raisonné, ce qui n'est pas très évident si on veut faire autre chose que le récit chronologique de ce qui a été marquant dans une vie. Choisir, c'est éliminer, dit-on. Mais cela peut être aussi ajouter, pour aboutir à une biographie romancée, à l'image du chef d'oeuvre de Romain Gary « La promesse de l'aube », mais c'est sans doute viser un peu trop haut...

     


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