• Ce jour-là, Daniel ne se sentait pas en forme. Il avait passé l'après-midi du dimanche dans la salle de classe surchauffée où à peine une demi-douzaine d'internes révisaient leurs cours dans la perspective de la composition de maths du lendemain. Comme lui, ce n'étaient pas les meilleurs dans cette matière, et il leur fallait déployer un travail considérable pour arriver, le plus souvent, à de piètres résultats. Avec ce mois de mai pluvieux, il valait mieux rester enfermé, bien au chaud, à travailler, plutôt qu'aller en ville arpenter les rues dans les courants d'air et boire un verre avec les autres tout en s'ennuyant ferme.

    Néanmoins, il avait dû attraper froid. En ce lundi matin, son nez s'était transformé en fontaine dès qu'il avait quitté son lit, et il se sentait fiévreux. Avec la perspective de la composition dans quelques minutes, son humeur était devenue exécrable. S'il ratait cette épreuve, il avait peu de chances de passer en taupe à la rentrée, et il se demandait ce qu'il allait alors pouvoir faire.

    A midi, après quatre heures passées à essayer de résoudre les deux problèmes sans savoir par où les prendre, il sortit de la classe l'esprit cotonneux. Il allait encore avoir une note en dessous de la moyenne, c'était sûr, et sans la moyenne en maths, matière reine en classe préparatoire, son sort était fixé. Après le déjeuner, ce fut un cours d'histoire. Là c'était bien mieux, mais ce n'est pas avec l'histoire qu'on entre à Polytechnique...

    En fin d'après-midi, à sa grande surprise, il fut convoqué dans le bureau du professeur de maths. Déjà ? se dit-il. En effet, Monsieur Martin avait déjà corrigé les copies, il avait la sienne devant les yeux, ainsi que le récapitulatif de l'ensemble de ses notes depuis le début de l'année. Il se sentit pâlir, les jambes molles. Ça y est, pensa t-il, avec la tête que fait Martin, c'est fichu pour moi. Il s'assit sur la chaise devant lui, l'esprit défait, le cerveau déconnecté et le nez dégoulinant.

    Martin entra de suite dans le vif du sujet :

    • Monsieur Bourgeois, vous êtes actuellement 24ème sur 42, et votre dernière copie de maths n'est pas extraordinaire, vous devez vous en douter. Vous savez que ne passeront en classe supérieure que, justement, les 24 premiers, ce qui me pose un problème. Vos collègues Duval et Rometer, qui sont juste derrière vous, ont pratiquement les mêmes notes, mais ils sont meilleurs en maths. Alors j'hésite : l'un de vous trois passera en taupe, et pas les deux autres. Normalement c'est vous, mais dites moi un peu ce que vous en pensez.

    • Euh...

      Daniel, pris de court, ne savait pas trop quoi répondre. Il ne s'attendait pas à cet entretien, et en cette fin de journée difficile, son esprit de repartie était émoussé.

    • Oui, en maths je suis un peu faible, reprit-il, mais surtout en algèbre, parce qu'en géométrie analytique je marche bien. Et pour le reste c'est bon, le français et l'histoire, j'ai de bons résul...

    • Bien sûr, bien sûr, le coupa Martin sèchement. Mais vous savez qu'au concours l'algèbre a coefficient 5, alors que la géométrie analytique c'est juste 2. Quant à l'histoire et au français, sans vouloir diminuer vos mérites, c'est coefficient 1. Ce n'est pas avec ça que vous entrerez à Polytechnique, jeune homme ! Et moi je suis réaliste et je veux des résultats.

      Derrière ses lunettes, Martin le fixait intensément, jaugeant Daniel qui s'agitait sur sa chaise. Il reprit.

    • Je ne sais pas encore ce que je vais faire de vous. Car en taupe, cela va être pire que cette année, vous devrez travailler encore plus dur, et je ne sais pas si vous en aurez la motivation ou le courage. Vous voulez vraiment faire l'X, ou pour vous toutes les écoles d'ingénieurs se valent-elles ?

    C'est à ce moment que Daniel commit l'erreur de sa vie. Bien évidemment, il aurait dû sortir un plaidoyer vibrant sur sa motivation, sur sa capacité à travailler encore plus les maths, sur sa volonté d'entrer à l'X et nulle part ailleurs.

    Au lieu de cela, il ne put que se racler la gorge et dire sans réfléchir, sans se rendre compte de ce qu'il proférait :

    • Oui, l'X c'est bien, c'est la meilleure école, mais il y en a beaucoup d'autres qui sont bien aussi.

    Au moment où il disait cela, il se rendit compte de son erreur, et essaya de la corriger. Mais c'était trop tard, Martin secoua la tête, ferma son dossier et avec une certaine ironie lui dit en le congédiant :

    • Vous verrez, dans une de ces excellentes écoles d'ingénieurs, vous réussirez très bien, ne vous en faites pas.



    En effet, il ne fut pas admis en taupe et Duval prit sa place. Il quitta l'établissement à la fin de l'année scolaire, retourna à l'Université finir sa préparation, et passa le concours d'une obscure école d'ingénieurs, où il fut reçu premier comme Martin l'avait prévu.

    Il se demanda longtemps, et se demande sans doute toujours, ce que sa vie aurait été s'il avait donné au professeur les réponses que celui-ci attendait, ou encore s'il n'avait pas eu de rhume ce jour là...



     


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  • Un samedi après-midi, Eliane s’assoit sur une chaise de bois dans un bureau du commissariat, en face d'un policier au visage avenant. Il fait chaud, il a retroussé ses manches de chemise, il est mal rasé et il transpire. La pièce est pauvrement meublée et sent le tabac froid. Des classeurs métalliques entrouverts débordent de papiers, et la table est recouverte d'objets divers, dont une paire de menottes et un ordinateur qui n'est plus de première jeunesse. D'ailleurs, tout le mobilier semble hors d'âge. Des affiches de personnes disparues couvrent les murs.

    Eliane est inquiète. Sa fille Elodie n'est pas rentrée cette nuit, mais cela lui arrive souvent depuis qu'elle est majeure. Elle réapparaît en général en fin de matinée, et s'enferme dans sa chambre ; si c'est en semaine, elle retourne l'après-midi suivre ses cours à l'université. Ce qui trouble Eliane, c'est que ce matin, elle a été priée de se présenter à 14 heures au commissariat, sans qu'on lui donne d'explication, on lui a juste dit que cela concernait sa fille, mais qu'elle ne devait pas s'inquiéter. Bien sûr, rien de tel pour s'inquiéter, justement : on n'est jamais convoqué pour rien au commissariat, il faut que quelque chose se soit passé !

    • Vous êtes bien Eliane N... ? commence le policier

    • Oui, mais qu'est-ce …

    • Je vais y venir, ne vous impatientez pas. Vous êtes divorcée et vous avez une fille, Elodie N..., 19 ans, qui habite avec vous ?

    • Oui

    • Des gens l'ont trouvée ce matin, très tôt, dormant sur un banc dans le square Brossolette. Elle avait visiblement trop bu, et comme ils ont eu du mal à la réveiller, ils ont appelé la police qui est venue la chercher. Elle est actuellement en cellule de dégrisement, elle est réveillée et un agent est en train de l'interroger.

    • Mon Dieu ! Est-ce qu'elle va bien ? Elle n'a rien ? Est-ce que je peux la voir ?

    Eliane est affolée, elle ne s'attendait pas à cela. Elodie n'a jamais fait une chose pareille. Et pourquoi était-elle seule en pleine nuit dans un square ? Ses amis l'auraient-ils abandonnée ? Quels amis ! D'un autre côté, elle est rassurée : même si sa fille a été « ramassée » par la police, elle est là, en bonne santé à part une gueule de bois dont il va falloir qu'elle se remette. Elle doit se sentir si mal qu'elle réfléchira à deux fois avant de recommencer...

    • Elle va bien, vous la verrez tout à l'heure, après qu'on ait pris sa déposition, vous pourrez repartir avec elle. Mais essayez de la raisonner. (Un temps).Comment cela se passe t-il entre vous ?

    • Très bien, mais il est vrai que depuis quelques mois, en fait depuis qu'elle a eu 18 ans, elle s'est éloignée de moi, elle revendique le droit de faire ce qu'elle veut et de ne pas m'en parler, ou plutôt de ne pas répondre à mes questions. C'est pourquoi je ne sais rien de ses amis, ni des personnes avec qui elle était hier soir et qui l'ont laissée seule et en mauvais état. J'espère qu'elle n'a pas subi de violences ?

    • A priori non, mais on en saura plus tout à l'heure. Oui ??

    C'est un agent qui frappe à la porte et qui vient murmurer à l'oreille du policier. Celui-ci hoche la tête, regarde Eliane d'un air ennuyé, et s'agite sur sa chaise. L'agent ressort. Eliane sent l'anxiété remonter, elle a des gestes nerveux avec ses mains et serre les lèvres.

    • Il y a du nouveau, et ce n'est pas très bon, dit l'homme en soupirant. Non, sa santé va bien, elle nous a dit qu'elle n'avait pas été frappée ni violée. Par contre, en fouillant son sac nous avons trouvé des comprimés qui ont tout l'air d'être de l’ecstasy. Il va nous falloir la garder plus longtemps, pour l'interroger en détail, vérifier la nature des pilules et lui faire une prise de sang pour savoir si elle en a consommé.

    Eliane est effondrée. Sa fille, une droguée ? Ce n'est pas possible, elles en ont parlé si souvent, elle était si raisonnable dans ses propos ! Boire, encore, c'est compréhensible, mais ça !

    • Mais vous n'allez pas la mettre en prison quand même ! Laissez la rentrer avec moi, et je vous promets qu'elle viendra quand vous la convoquerez. Il faut qu'elle se remette de toute cette histoire. Elle n'a sûrement pas pris de drogue, je la connais ma fille, c'est une erreur j'en suis sûre.

    • Ne vous inquiétez pas, c'est la routine dans ce genre d'affaires. Voilà ce qui va se passer : on va d'abord prolonger son interrogatoire, c'est sans doute déjà en cours, pour savoir d'où viennent ces pilules, qui les lui a fournies, etc. Ensuite, on va l'emmener à l'hôpital lui faire une prise de sang selon la procédure. Ce sera fini en fin d'après-midi, et elle retournera chez vous. Quand on aura les résultats, dans deux ou trois jours, elle sera convoquée au commissariat et là on fera le point. Vous aurez donc l'occasion d'en parler en détail avec elle. En attendant, rentrez chez vous.

    • Mais non je ne vais pas rentrer chez moi ! Je veux la voir, l'accompagner à l'hôpital et la ramener à la maison après !

    Le policier hésite un peu, puis lui répond d'un ton rassurant, tout en se levant :

    • Vous n'aurez qu'à suivre la voiture de police et attendre dans le hall du CHU jusqu'à ce qu'on ait fini. Je ne peux pas faire plus. Au revoir Madame.

     

    Eliane est dans une salle d'attente, à l'hôpital. Cela fait deux heures qu'elle patiente, c'est pire qu'aux urgences. Pourquoi est-ce si long ? Elle réfléchit à ce qu'elle va pouvoir dire à sa fille, elle ne sait pas comment elle va aborder le sujet. Elle voudrait que cela les rapproche. En tout cas, elle va la soutenir, quoi qu'il en soit. Mais elle sait que sa fille n'a pas consommé de drogue. Elle en est sûre. Enfin, elle espère.

     


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  • J'ai rendez-vous avec mon ami Marcel pour déjeuner dans ce restaurant, la brasserie Dupont, tout près des Grands Moulins qui hébergent maintenant l'Université Paris Diderot. Je suis à l'intérieur, bien au chaud, très en avance, et j'écris dans mon carnet pour m'occuper.

    Comme Georges Perec au Café de Cluny, je regarde les gens passer. Dehors, sur la terrasse, tout près mais séparées de moi par la vitre, deux jeunes filles viennent de s’asseoir, bien emmitouflées, sans doute des étudiantes. Je regarde celle qui me fait face, elle se roule une cigarette et l’allume, tout en bavardant et riant avec son amie. Elle est jeune et jolie, elle porte un béret sur de longs cheveux bruns. Je la contemple avec une certaine tendresse, un peu ambiguë : c’est le regard d’un homme sur une jolie femme, certes, mais c’est aussi et surtout, je crois, celui du grand père que j’aimerais être, que je ne suis pas, et que je ne serai jamais… Alors je me pose des questions : pourquoi fume t-elle ? Elle sait que c’est dangereux. Quel genre de plaisir y trouve t-elle, si cette addiction peut toutefois s’appeler plaisir ? De quoi parlent-elles, elles sont si animées !

    Je tourne la tête, et à peu de distance sur ma gauche je vois un homme assis seul à une table, dans un accoutrement bizarre. Il a une barbe qui lui arrive au milieu de la poitrine, par dessus un long manteau qu'il n'a pas enlevé et qui paraît très sale. Sur sa tête, un bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles laisse dépasser des touffes hirsutes de cheveux. Il a le teint très sombre, mains et visage, mais ce n'est pas un africain ni un indien. Je me demande si ce n'est pas une épaisse couche de crasse. Il mange une andouillette, et jette fréquemment un regard circulaire autour de lui, si bien que je l'observe à la dérobée pour faire semblant de l'ignorer. A côté de lui, sur la table, un agenda ou un carnet ouvert qu'il regarde de temps en temps. Là aussi je me demande qui cela peut être, quelle vie peut avoir un tel individu, ce qu'il fait là, quels sont les secrets cachés dans son carnet. Des hypothèses se forment dans ma tête, à vitesse accélérée, je les rejette toutes. Un post soixante huitard hippie qui n'a pas évolué ? Non, un écolo ne mange pas d'andouillette. Un clochard qui casse sa tirelire au restaurant ? Non, les SDF restent dehors, et puis n'ont pas de carnets. Un type qui sort de prison ? Bof, non, il aurait pris une douche avant de partir. Un adepte d'une secte inconnue ? Peut-être, mais laquelle ? Ou tout simplement un type plus ou moins normal, comme moi avec quelques habitudes moins ordinaires...

    J'arrête de l'observer, car viennent d'entrer dans un courant d'air froid cinq personnes qui vont s'asseoir au fond, à une table visiblement réservée. Les trois hommes ont des têtes de jeunes cadres, d'ailleurs l'un d'entre eux a un ordinateur, les filles sont apprêtées, bien habillées, bien maquillées. Ils rient bruyamment, attirant les regards des clients. Des arrivistes ordinaires, sans doute les membres d'une équipe de marketing, pas intéressants.

    La fille dehors vient d’allumer une deuxième cigarette. La force de l’habitude est quelque chose de terrible…

    Et le barbu vient d'essuyer ses mains grasses sur son pardessus, ça c'est la preuve qu'il y a quelque chose qui cloche chez cet individu.



    Mais si je note cela, c’est justement parce que j’ai un stylo à la main, et rien d’autre à faire. Ce soir, j’aurai tout oublié, sauf si je me relis…

     


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  • Ecrire un texte à partir de photographies de gens vivant dans l'Himalaya

    Imaginer qu'on est un autre que soi-même en France, dans l'environnement socio-culturel auquel on est habitué, est déjà fort difficile. Alors, se mettre dans la peau d'un jeune népalais gardant du bétail dans une solitude extrême ou d'une mère tibétaine vivant à 3000 mètres d'altitude sous une tente avec toute sa famille et son dernier né sur le dos, est une tâche quasi insurmontable. Cette façon de vivre est tellement éloignée de nos standards occidentaux que l'imagination se bloque à l'idée que toute une vie pourrait se dérouler ainsi.

    Quelles pensées peuvent bien habiter ces têtes ? Que se cache t-il derrière ces yeux rieurs ? Se posent-ils les mêmes questions que nous autres, sur leur avenir, sur le monde qui change, sur le sens de la vie ? Ou bien se cantonnent-ils à des réflexions utiles, sur le bétail, la nourriture, l'habillement, le logement, les déplacements, la famille, la recherche d'un conjoint ? Que leur a t-on inculqué depuis qu'ils sont nés? Quelles valeurs de vie en société sont les leurs ? Quelles sont leurs croyances ? Se contentent-ils de suivre la tradition sans se poser de questions ? Sont-ils réellement aussi heureux qu'on veut bien le dire en se fiant essentiellement à leur apparence et à leur accueil ?

    Ce n'est certainement pas en allant faire un voyage touristique de quelques jours ou de quelques semaines chez eux qu'un occidental pourra trouver la réponse à ces questions, n'en déplaise à ceux qui expriment une admiration sans borne envers ces gens si différents de nous, supposés si simples et par conséquent forcément meilleurs. Seraient-ils aussi accueillants si des hordes de touristes venaient à débarquer en flot continu, comme dans un zoo, avec leur appareil photo, leur portable et leur Facebook en bandoulière ? Pourquoi « l'âpreté des paysages et la rudesse des éléments » donneraient-ils « tout son sens à la vie de leurs habitants » ? C'est typiquement une réflexion de touriste venu s'extasier un petit moment dans un environnement exotique, mais désirant retrouver ensuite le confort auquel il est habitué.

    Pour ma part, cela fait vingt cinq ans que j'ai cessé de pratiquer ce genre de voyages, depuis qu'en 1993, au cours d'un séjour au Sri Lanka, j'ai été chaque jour environné de pauvres gens et d'enfants quémandant un sou, un bonbon ou un stylo-bille. Malgré la beauté des paysages et la gentillesse des gens, je me suis senti un intrus, j'ai trouvé insupportable ce voyage et je me suis juré de ne plus jamais recommencer. L'Occident n'a pas à s'introduire ainsi dans des cultures millénaires, pour finir par les détruire, même sans le vouloir. Comme le dit l'adage, « l'enfer est pavé de bonnes intentions », mais ce qui est « bon » n'est pas forcément la même chose selon la civilisation à laquelle on appartient.

     


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  • Juillet 1963. Nous sommes sur le passavant tribord de l'aviso-escorteur Victor Schoelcher, en mer d'Irlande. La journée a été chaude et bien remplie, et après le repas du soir nous avons déplié et accroché nos hamacs au-dessus des tables du poste. Puis nous sommes montés prendre l'air, du moins ceux qui n'étaient pas de quart.

    Accoudés à la rambarde, nous laissions l'air glisser sur nos visages, et nous échangions de rares propos, regardant le soleil se rapprocher de l'horizon. La brise était douce, l'étrave fendait une mer calme qui noircissait peu à peu entre deux gerbes d'écume, et les seuls bruits qu'on entendait étaient le frottement de l'eau le long de la coque, et la rumeur de fond provenant des vibrations des machines.

    Les blancs stratus qui dissimulaient quelque peu le bleu du ciel au cours de l'après-midi, commençaient à s'effilocher insensiblement et à virer au rouge. Je me trouvais près des bossoirs, devant les canots de sauvetage, et je voyais le soleil descendre peu à peu entre les palans et les crocs d'amarrage des embarcations. Quand il fut près de toucher l'eau, je me permis de le regarder en face, jusqu'à ce qu'il disparaisse, laissant un ciel en feu. Le phénomène ne dura que quelques secondes, mais la lueur dans le ciel perdura encore plusieurs minutes, les couleurs cédant la place à la grisaille envahissante du crépuscule.

    Quand il fit vraiment noir, je quittai le pont pour regagner le poste d'équipage. Mes compagnons étaient partis depuis longtemps, et dormaient dans leur hamac. Je me glissai dans le mien, titubant un peu en raison du roulis. A quatre heures, on vint me réveiller : c'était mon tour d'aller prendre le quart.

    Coucher de soleil

     


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