• Inclure trois phrases données (en italique dans le texte) dans un récit cohérent.

     

    Il avançait dans cette galerie obscure où elle s'était enfoncée après l'avoir quitté. Elle l'avait embrassé, lui avait souri d'un air triste, lui avait dit qu'elle l'aimait, qu'il n'y avait rien ni personne d'autre, mais que la solitude était son destin. « Vois-tu, lui avait-elle dit, c'est comme avoir un oiseau dans le cœur, qui bat des ailes pour s'échapper de sa cage, non pas que je sois prisonnière avec toi, mais parce que mon corps m'enferme, que je veux lui échapper, et que je ne le peux pas. Je veux l'oublier, ne plus le sentir, pour être seule avec moi-même, dans l'obscurité propice, seule avec mon âme et savoir qui je suis. »

    Il n'avait pas cherché à la retenir, il espérait seulement qu'elle reviendrait bientôt, qu'il verrait à nouveau son sourire, qu'il sentirait à nouveau la caresse légère de sa main sur sa joue, et la chaleur de son petit corps contre le sien. Il ne demandait rien d'autre.

    Pourtant, il l'avait suivie dans ce boyau sombre où elle voulait se perdre pour se retrouver. Il ne voyait rien, ne cherchait rien, il n'avait pas peur en marchant dans le noir comme elle, mais il savait au fond de lui que c'était en vain, car il ne comprenait pas ce qu'elle cherchait. Elle pouvait être tout près, comme une petite bête silencieuse tapie dans son terrier, mais plus loin de lui que si elle était au bout du monde.

    Peut-être était-ce lui qui était loin d'elle, alors il lui faudrait attendre que les ténèbres se dissipent. Car la nuit est pleine de barreaux, qui ne sont pas des barreaux de prison, et à travers ces barreaux, un jour, par son attente, par son espoir et par sa patience, une lueur surgirait et il la verrait réapparaître. Elle lui tendrait les mains, son sourire ne serait plus triste, et, son corps retrouvé, elle se tendrait vers lui, enfin sortie de cette obscurité où elle avait failli se perdre.

    À la manière de Marcel Schwob                       dans « Le Livre de Monelle »


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  • Décrivez la souffrance d'une personne à la manière de Jacques Prévert dans : "La grasse matinée"

     

    Il est assourdissant

    le silence interminable de l'attente

    il est assourdissant ce silence

    quand il résonne dans la tête de l'enfant qui a peur

    il est assourdissant aussi parce que l'enfant est sourd

    sourd d'avoir entendu trop souvent

    le fracas des bombes qui tombent

    au-dessus de lui, sur sa maison, sur ses amis

    sur les autres enfants qui attendent

    que tout cela s'arrête

    pour qu'il puisse enfin jouer

    qu'il n'oublie pas ce que c'est que jouer

    que jouer ce n'est pas seulement jouer à la guerre

    sortir un pistolet

    en plastique

    et faire « pan » ! et faire « boum » !

    et faire semblant d'être mort

    comme les morts qu'il voit tous les jours

    dans les ruines

    dans les caves

    dans les rues

    c'est devenu presque normal

    c'est ça qui est normal

    et l'école, parfois, entre des murs sans toit

    est aussi comme un jeu

    que l'on pratique quand on le peut

    en attendant l'obus

    le prochain

    celui qui, peut-être, l'emportera,

    mais il n'y pense pas, il joue, il rit,

    ça dure un moment

    même s'il a peur

    même s'il a faim, même s'il a soif

    et soif aussi que ça s'arrête

    ça ne peut pas durer

    et pourtant ça dure

    depuis des mois

    puis des années, et si ça dure,

    c'est dans les flots qu'il finira

    dans la mer où il flottera

    pour aller là où on ne l'attend pas

    là où on ne le veut pas

    mais où l'attente n'aura pas

    ce goût terrible du fracas

    que le silence ici promet.

    Il est assourdissant,

    le silence interminable de l'attente.

    il est assourdissant ce silence

    quand il résonne dans la tête de l'enfant qui a peur


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  • Portrait d'un personnage présentant une particularité

     

    Il se prénommait Jacques et, dans la classe, nous le surnommions « le génie », un peu par amitié, beaucoup par dérision. Il n'avait en effet rien de génial, ni dans ses propos, ni dans ses résultats scolaires, ni dans son attitude générale. Ce qui le caractérisait le mieux, c'est le terme « moyen » : un garçon moyen, de taille moyenne, visage ovale sans relief particulier, couleur des yeux indéfinissable, cheveux courts comme tout le monde, ni gros ni mince, à peine musclé, voix ordinaire. De notre groupe, c'était sans doute le moins bavard et celui qui passait le plus inaperçu.

    Il avait néanmoins une caractéristique particulière, dont nous nous moquions sans pitié, ce qui devait l'énerver même s'il n'en laissait rien paraître : il avait la fâcheuse habitude de s'arracher les cheveux. Non, pas par touffes, sous l'effet de la colère ou d'une émotion quelconque, ni parce que sa tête le démangeait, mais un par un : après avoir saisi une mèche entre deux doigts, l'avoir tournée et retournée un nombre incalculable de fois, il baissait la tête, choisissait soigneusement un cheveu parmi tous les autres, le faisait glisser entre deux ongles, et soudain, toc, d'un coup sec il l'arrachait. Il le regardait attentivement pendant plusieurs secondes, puis le jetait à terre ou dans une corbeille à papier, et recommençait. Comme cela lui arrivait généralement pendant qu'il lisait, qu'il essayait de résoudre un problème ou de faire un devoir, bref pendant qu'il réfléchissait, nous en avions déduit ironiquement que c'était une manie liée à la nature profonde de ses réflexions. C'était là le tic révélateur du génie caché sous une apparence anodine.

    La vie qu'il a menée n'a cependant pas montré l'éclosion de ses facultés latentes : il a eu une carrière de petit fonctionnaire, a toujours habité au même endroit et il est resté célibataire. Mais il est devenu chauve : je ne sais pas si cela lui est venu naturellement ou si c'est parce qu'il a fini par arracher tous ses cheveux.

     


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  • Ecrire un texte autour du dicton populaire : "Mieux vaut tard que jamais"

     

    Un soir de printemps, Gabriel rangeait sa cave pour en éliminer les vieilleries accumulées depuis des décennies, lorsqu'il tomba, au fond d'une cantine rouillée, sur une plaque de rue métallique, corrodée, où le fond bleu encore visible laissait apparaître un nom en relief : « Rue Roger d'Andeli ». Pendant quelques instants, il se demanda ce que cet objet faisait là, avant que lui revienne en mémoire cet épisode de sa jeunesse, cinquante ans en arrière...

    Il venait de passer son bac dans un internat militaire, et en attendant les résultats, les élèves n'avaient rien à faire et s'ennuyaient ferme : rien n'était prévu pour les occuper et les sorties en ville étaient interdites. Un soir, après une nouvelle journée vide passée à errer du gymnase au terrain de sport et à sommeiller dans l'herbe, Bernard, Frédéric et Gabriel décidèrent de « faire le mur », sans but précis, rien que pour sortir et voir autre chose. C'était facile, tout le monde savait par où on pouvait passer, un trou dans le grillage au flanc de la colline, derrière le gymnase. Mais que faire une fois dehors ? Les rues étaient vides, la séance de cinéma déjà largement entamée, ils étaient trop jeunes pour s'installer dans un bar, et leur uniforme, bien connu de la population locale les empêchait de se montrer sans risque dans un lieu public.

    Gabriel et ses camarades se promenèrent donc dans les rues résidentielles désertes de la ville, sans trop se montrer, mais en accumulant les bêtises, dans un rythme allant crescendo : sonner à toutes les portes et s'enfuir en courant, taper sur les panneaux de signalisation pour faire le plus de bruit possible, shooter dans les poubelles métalliques, jeter du gravier sur les vitres des fenêtres, et autres frasques aujourd'hui oubliées. Pour terminer leur expédition, ils descellèrent en guise de trophée une plaque de rue que Bernard emporta sous son bras. A leur retour, mauvaise surprise : le surveillant de nuit les attendait devant la porte de leur pavillon. Comme ils le virent suffisamment tôt, ils prirent le parti d'enterrer au plus vite la plaque dans le bois voisin au lieu de la jeter dans un endroit où elle aurait été rapidement retrouvée. Puis ils rentrèrent, furent punis, finirent par oublier cette escapade, et l'affaire en resta là. Après le bac, ils se perdirent de vue pendant longtemps.

    Et voilà qu'il retrouvait cette relique du passé ! Bernard l'avait déterrée, et l'avait donnée à Gabriel quelques années plus tard, le jour où celui-ci, après avoir longtemps cherché, puis enfin retrouvé son camarade, lui avait rendu visite dans son pavillon de Bondy où il vivait avec sa femme et son bébé. Gabriel l'avait rangée, puis oubliée. En la retrouvant aujourd'hui, il retrouvait non seulement la mémoire de ce lointain incident, mais aussi son état d'esprit d'adolescent, si bien qu'une idée loufoque lui traversa l'esprit et lui donna l'envie et le courage de se comporter à nouveau comme un jeune écervelé. Jubilant intérieurement, excité comme un gamin, il se précipita dans sa voiture avec la plaque et sa boîte à outils, et prit la route pour Les Andelys où il arriva bien après que la nuit soit tombée. Il repéra très vite la rue « Roger d'Andeli » grâce à son GPS, et se gara sous la plaque rutilante vissée sur un mur au début de la rue. Quelques coups d'oeil à droite et à gauche, rien à l'horizon. Il sortit un tournevis, et en deux minutes il eut démonté la plaque et remis l'ancienne à sa place.

    Il avait ainsi récupéré une plaque neuve, mais ce n'était pas cela l'important : en homme honnête et scrupuleux, il avait rendu à son propriétaire la plaque dérobée un demi siècle auparavant. Mieux vaut tard que jamais.

    L'honnêteté n'a pas d'âge...


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  • Ecrire un texte commençant par : "Bien des phénomènes étranges ont jalonné ma vie"

     

    Bien des phénomènes étranges ont jalonné ma vie. Oh, rien de véritablement extraordinaire, comme pourraient l'être par exemple la rencontre d'un OVNI, la transmission de pensée ou une expérience de mort imminente ! Mais je me suis trouvé parfois confronté à des situations sortant un peu de l'ordinaire, où l'étrangeté provenait de ma propre vision d'un événement banal et de l'interprétation que j'en faisais, qui venaient en quelque sorte « gauchir » la réalité objective de celui-ci. En son temps, Louis Pauwels aurait appelé cela des situations de « réalisme fantastique » ; avant lui, Lautréamont donnait déjà une signification esthétique à la beauté étrange provenant de la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ; quant à Freud, il a toujours attaché une importance énorme à l'interprétation des rêves et au pouvoir de l'inconscient.

    Voici trois exemples vécus.

    Le premier date de mon enfance, et se rattache à ce qu'on appelle un « rêve récurrent ». Trois nuits de suite, alors que j'avais six ans, j'ai rêvé qu'une sorcière extrêmement laide et méchante me poursuivait et essayait de m'attraper. Mon souvenir est flou sur les détails de cette poursuite, mais je me souviens parfaitement qu'au moment où elle me rejoignait en dardant ses griffes, je me réveillais en sursaut et en criant, pour finir la nuit dans le lit de mes parents. Le plus angoissant résidait dans le fait que le rêve présentait une histoire, c'est à dire que la deuxième nuit était la suite et non la répétition de la première, et la troisième continuait la seconde. La quatrième nuit, je n'ai pas voulu aller me coucher, de peur que la sorcière ne m'achève enfin, mais il ne s'est rien passé, et le rêve ne s'est plus reproduit.

    Le second date aussi de cette même période, mais il est de nature différente. Une nuit s'est produite une éclipse de lune, que nous avons regardée, mes parents et moi, par la fenêtre de ma chambre, dans un silence inhabituel. J'ai éprouvé à cette occasion une sensation bizarre, comme si le surnaturel allait déboucher de manière imminente, comme si un autre monde se rapprochait pour nous envahir. J'éprouvais une vague angoisse, je sentais qu'il se passait quelque chose d'anormal, j'étais dans l'attente d'un événement inconnu qui allait se produire. J'ai été soulagé quand la lune est redevenue comme avant, pleine et brillante, ordinaire. Mais je n'ai jamais oublié cette sensation ancienne, car chaque fois qu'une éclipse est annoncée je me souviens de ce moment et un petit frisson me traverse, comme si je craignais encore que le monde réel et le monde du rêve puissent se mélanger.

    Le troisième se place dans ma vie d'adulte et dans la lignée de Lautréamont, mais sans la dimension esthétique. Un vélo d'appartement et un rameur y remplacent la machine à coudre et le parapluie ; quant à la table de dissection, elle s'est transformée en ...engins nucléaires. Un jour, sur mon sous-marin, dans le seul espace disponible situé entre deux missiles intercontinentaux, je pédalais et je ramais comme je le faisais quotidiennement pour me maintenir en forme, lorsque tout à coup je me suis imaginé planant à quelques mètres au-dessus du navire devenu transparent. Je voyais, tout proche, un homme en tee-shirt et en short qui transpirait pour rester svelte et musclé, comme s'il était dans un gymnase bourgeois à la mode, oubliant qu'il faisait en réalité une sorte de cyclo-cross immobile entre des armes de destruction massive destinées à ravager de lointaines contrées. Cette scène m'a semblé d'une telle incongruité que je me suis demandé ce que l'acteur que j'étais faisait dans cette pièce.

    Quelque temps plus tard, j'ai changé de métier.


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