• Choisir un tableau, et imaginez ce qui se passe avant et après la scène représentée.

    Gas - Edward Hopper - 1940

    C'est une route où il ne passe jamais personne. Pourtant, ce matin, une voiture s'est arrêtée, la première de la journée. Il était presque midi, je m'apprêtais à sortir mon sandwich de la glacière, je l'y ai remis immédiatement quand on a klaxonné. Je suis sorti, pas trop vite, juste pour avoir l'air occupé, l'air important. Mais un petit pompiste dans une station minable en plein cœur des Appalaches, qu'est ce qu'il pourrait bien faire de si important, je vous le demande, à part servir des clients qui ne le regardent même pas...

    Et puis je l'ai vue, dans sa décapotable, je crois que c'était une Nash, une vraie merveille, dont la couleur verte s'assortissait parfaitement avec l'or de ses cheveux que le vent de la course avait libérés de son foulard.

    Elle m'a fait un grand sourire en me demandant de faire le plein, c'était inhabituel et cela m'a fait chaud au cœur. Elle est restée à sa place pendant que j’œuvrais, j'osais à peine la regarder tellement elle était belle, elle se remaquillait dans la glace du pare-soleil et arrangeait sa coiffure. Elle avait enlevé ses lunettes noires, et la longueur de ses cils était fascinante. Après le plein, j'ai nettoyé le pare-brise, j'ai fait du zèle pour que cela dure plus longtemps, je la voyais au travers de la vitre sans être obligé de tricher pour faire semblant de ne pas la regarder.

    Quand ce fut terminé, elle m'a donné 5 dollars, une fortune, elle devait être riche, mais j'ai eu un peu honte quand même. Elle est partie tout de suite après, en me faisant un petit geste de la main.

    Je suis resté un moment près des pompes, la regardant s'éloigner, puis rêvassant en astiquant machinalement les tuyaux...J'ai mémorisé le numéro de sa plaque, je ne sais pas pourquoi.

    Depuis, je pense à elle sans arrêt et j'imagine des histoires où je la retrouve et où elle m'aime. Une autre voiture est passée peu après, je l'ai servie sans m'en rendre compte, je ne me rappelle même plus si c'était un homme ou une femme. Le temps se traîne et je m'ennuie. La nuit commence à tomber et je me sens bien seul dans cet endroit hors du monde.


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  • Ecrire un dialogue entre deux personnes dissemblables.

     

    En promenant mon chien comme tous les matins, je passe devant la maison de Marcel, mon voisin, qui travaille dans son potager, et je m'arrête un instant pour échanger quelques mots avec lui.

    • Salut Marcel, c'est pour quand les tomates ?

    • Tu plaisantes ? Moi je fais des légumes de saison, et tu vois, je suis en train de les planter avec des tuteurs. Je viens d'y mettre du bon fumier de mes lapins et aussi un peu des poules, et ça c'est du bio mon petit vieux, tu m'en diras des nouvelles, rien à voir avec ces gros machins luisants dans les supermarchés qui n'ont aucun goût et qui ne devraient même pas être vendus à cette époque.

    • Oui, mais...

    • Et tu ne trouveras jamais chez moi d'engrais chimiques, ça tu peux en être sûr, toutes ces grandes sociétés qui ne pensent qu'à faire du fric et qui empoisonnent la terre, ils s'en foutent complètement pourvu que ça rapporte. Tu sais qu'il existe plus de 300 variétés de tomates, et dans les hypers si tu en trouves trois ou quatre c'est bien le maximum. Et plus encore, si tu cultives des tomates qui ne figurent pas au catalogue, on peut te verbaliser ! Tu te rends compte ! Un catalogue des tomates au-to-ri-sées !! C'est n'importe quoi ! Alors que les petites tomates goûteuses qui ne ressemblent pas à des espèces de potirons pleins de flotte, et parfois même pas à des tomates, c'est interdit !

    • Ah bon, il y a un catalogue de …

    • Pourquoi, tu ne me crois pas ? Moi je te le dis, c'est encore un coup de l'Europe et de ses règlements pour emmerder le monde, on paie des armées de fonctionnaires qui n'y connaissent rien et qui se mêlent de tout sauf des choses importantes.

    • Oui, mais l'Europe a quand même de bons....

    • Non, arrête avec ça, c'est des gens qui sont à la solde des lobbies, quand tu es un gros on t'écoute, même quand tu dis des stupidités, et les petits qui savent des choses qu'ils tiennent de leurs ancêtres on ne les regarde même pas, évidemment ils ne représentent pas beaucoup de fric, mais eux au moins ils n'empoisonnent personne.

    • C'est vrai ce que tu dis, en partie, mais ce n'est pas aussi simple que...

    • Quoi ? Tu ne vas pas me dire que ce n'est pas le fric qui mène le monde ? Et tout le monde se laisse avoir, parce que, je vais te dire, aujourd'hui, les gens ils préfèrent arroser leurs pelouses bien vertes quand il n'y a pas d'eau l'été et aller acheter des merdes au supermarché plutôt que de faire un potager arrosé juste ce qu'il faut avec de l'eau de pluie récupérée. Mais évidemment, ça demande des efforts, c'est plus facile de prendre sa voiture et faire 10 km pour aller acheter un kilo de soi-disant tomates au magasin, plutôt que de prendre son arrosoir et de cueillir ses légumes tous les jours.

    • Oh, eh, Marcel, je peux en placer une, ou pas ? Parce que...

    • Arrête, je sais bien que tu penses comme moi, mais tu n'as pas le courage de tes opinions, tu cherches toujours à défendre les indéfendables ! Franchement, c'est des conneries ce que je viens de dire ? Et toi, pourquoi tu n'en as pas un, de potager ? Je pourrais même te donner du bon fumier, tu verras, ça t'intéresse ? Je peux passer te voir demain si tu veux, j'ai un peu de temps, je t'expliquerai. Non ?

    • Oui, mais moi demain j'ai aussi des choses à faire. Bon, maintenant je te laisse à tes légumes, mon chien a d'autres exigences, et si je n'y vais pas, il va finir par aller pisser sur tes tomates. Pas grave, c'est bio tout ça. Allez, salut !


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  • Sur le modèle d'un passage des Mémoires de guerre du Général de Gaulle, décrivez les saisons.

     

    A mesure que l'âge m'envahit, la nature me devient plus lointaine.

    L'hiver de la vie est comme l'hiver des saisons : plus froid, plus vide, plus difficile à traverser. Les couleurs et les nuances s'effacent, il ne reste que le noir et le blanc, parfois du gris. Le calme succède à l'agitation, le silence au bruit, et les sensations s'estompent. Les pensées se font feutrées et imprécises, croassements de corbeaux à peine atténués par la neige et l'air froid. La beauté des choses s'éloigne, devient à peine perceptible, à l'image des souvenirs d'enfance qui se fondent dans une trame de plus en plus incertaine. Le corps réagit lentement, ou ne réagit plus du tout à ce qui le faisait autrefois bouger : tout se ralentit, tout s'endort, et la fin semble écrite.

    L'automne déjà présage cet arrêt progressif : la chevelure s'éclaircit, feuilles mortes tombant des arbres ; les pensées et les sensations perdent peu à peu de leur acuité, pendant que le ciel se couvre de nuages, plus souvent et plus longtemps malgré de brèves éclaircies parfois fulgurantes ; l'été indien rappelle l'été, mais ses jours raccourcis annoncent l'hiver qui s'approche.

    L'été, c'est la plénitude, c'est le temps de la récolte des semailles de printemps. Les jours sans fin succèdent aux nuits courtes. En cette saison, la vie culmine à son apogée : l'été scelle l'alliance entre les promesses du début et la réalité de ce qui s'accomplit.

    Le printemps, c'est la magie des commencements, la magie de la jeunesse : tout semble possible, pour la nature et pour l'homme. La sève monte, les bourgeons éclatent ; les sensations deviennent aiguës et l'amour envahit le monde ; le cœur de l'univers bat en nous et notre poitrine se dilate comme si la vie qui l'habite devait couvrir la surface de la terre ; chacun se croit immortel et pense que cela durera toujours. Les pensées et les actes se bousculent, se succèdent, se complètent, dans la frénésie de vouloir et de se sentir vivre. Jamais nous ne serons plus proches de la nature qu'en cette saison là. La saveur du printemps imprègne les hommes de manière indélébile, au point qu'ils en auront toujours la nostalgie.

    Au fil des ans, les saisons reviennent, la vie meurt puis renaît, cycliquement. Il n'en va pas de même pour les hommes, qui ne connaissent que les quatre saisons de leur unique vie.


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