• Sujet libre

    Texte:

    « Lieutenant, c'est l'heure ! »

    La main du quartier-maître me secouait doucement, mais de manière insistante.

    « Merci, c'est bon, j'arrive » lui répondis-je en sautant au bas de ma couchette.

    En fait, la banquette du carré était transformée, vers dix heures du soir, en deux couchettes superposées dans lesquelles allaient dormir les deux plus jeunes officiers du bord. Les autres, à l'exception du Commandant qui disposait de sa chambre individuelle, se partageaient une chambre minuscule, le « wagon », munie de quatre « bannettes » et de caissons de rangement.

    J'enfilai rapidement ma chemise et mon pantalon, puis mes chaussures antidérapantes. C'était mon tour de quart au Central, de minuit à quatre heures. Dans le wagon, Jean-Claude, lieutenant de vaisseau plus ancien que moi, se levait aussi pour rejoindre son poste au Central-Opérations (CO). Il me restait quelques minutes avant la relève, et j'en profitai pour prendre une tasse de café, tout en me donnant un coup de peigne.

    Quittant le carré, je traversai le CO pour arriver au Central : moins de dix mètres en tout. Pas besoin d'être un sportif confirmé pour faire carrière dans les sous-marins, surtout les 400 tonnes, les plus petits jamais construits en France. Je saluai l'équipe en place, à savoir l'homme de barre, le mécanicien de central et le premier-maître torpilleur faisant office de chef de quart, dont j'allais prendre la suite. A vrai dire, il avait peu de choses à me transmettre :

    « Bonsoir lieutenant. Immersion 100 mètres, électriques avant zéro. Pas de consignes particulières. Rien à signaler.»

    Après un rapide coup d'oeil aux appareils de mesure, pression aux bouteilles de chasse, niveaux des régleurs et caisses d'assiette, indicateurs d'immersion, température de l'eau, état de la ventilation, niveaux de charge des batteries, etc, je prononçai les paroles traditionnelles :

    « Bien. Je prends le quart. Bonne nuit. »

    Je me demandais à quoi j'allais occuper ces quatre heures. « L'Ariane » venait de terminer son transit de Toulon vers la zone d'exercice, et devait patrouiller en attendant le début des opérations avec des navires de surface et des avions le lendemain en début d'après-midi. Il n'y avait rien de précis à faire, et le Commandant avait donc prévu une nuit calme en immersion.

    Pour commencer, j'ordonnai une ronde d'étanchéité sur tout le navire, depuis le poste torpilles à l'avant, jusqu'au local des barres de direction et de plongée à l'arrière. Les comptes-rendus arrivèrent successivement : « Etanche zone avant ». « Etanche Central et CO ». Etanche Diesel et zone arrière ».

    Bon, et maintenant ? Cela n'avait pris que quelques minutes. Les hommes de quart se mirent à parler, racontant anecdotes personnelles, histoires drôles, projets en cours, commentaires divers, le tout entrecoupé de longs silences. Je m'approchai de la porte, ouverte, séparant le Central du CO. Jean-Claude vérifiait la position du navire, préparant la route devant mener le sous-marin au point prévu par le Commandant le lendemain à 8 heures. Il n'avait pas plus de choses à faire que moi.

    De loin, je vis affichée la courbe thermobathymétrique qui avait été réalisée lors du quart précédent. Elle montrait l'évolution de la température de l'eau de mer en fonction de la profondeur, et je m'aperçus qu'en raison du calme régnant à l'extérieur, mer zéro, pas de vent, elle présentait une couche relativement chaude et homogène au voisinage de la surface, sur une épaisseur d'environ 50 mètres, puis une baisse assez rapide en-dessous de cette profondeur. Il me vint alors une idée, et j'interpellai Jean-Claude :

    « Dis donc, tu as vu la couche ? Si on montait doucement, on pourrait coincer le bateau dessous, et, si on est bien pesé, on pourrait stopper les moteurs et rester comme ça, sans bouger, pendant des heures. Qu'en penses-tu ?

    Il faut tout de même que je vous explique un peu ce que je voulais faire, et tant pis si c'est plus ou moins technique. Un sous-marin en plongée doit être « pesé », c'est à dire que la poussée d'Archimède doit être aussi proche que possible du déplacement du bateau, qu'on peut assimiler à son poids. La poussée dépend du volume du sous-marin, qui ne varie quasiment pas, et de la densité de l'eau de mer. Quant au poids du navire, il est ajusté par des « caisses de réglage », ou « régleurs », dans lesquels on admet ou on chasse de l'eau de mer.

    Quand le navire se déplace, cette égalité peut être approximative, le déséquilibre étant compensé par la vitesse de déplacement et par les mouvements du pilote sur les barres de plongée. Mais s'il avance très lentement, et, à la limite, s'il est arrêté, il faut réaliser une égalité aussi parfaite que possible entre le poids et la poussée. De plus, il faut aussi obtenir un équilibre longitudinal parfait, c'est à dire que le sous-marin ne doit pas être plus lourd à l'avant qu'à l'arrière afin de rester horizontal : ceci se réalise par les « caisses d'assiette », une à chaque extrémité du navire, avec une pompe faisant passer de l'eau de l'une à l'autre.

    Coincer le bateau sous la couche veut dire, en simplifiant un peu, qu'à l'immersion à laquelle la température se met à changer, la partie supérieure se trouve dans de l'eau « chaude », donc moins dense, et la partie inférieure dans de l'eau « froide », donc plus dense. Si le bateau tend à monter, la poussée d'Archimède va diminuer, et par conséquent le mouvement va s'arrêter : il y a une sorte de rétroaction négative qui stabilise automatiquement le sous-marin à une immersion voisine de celle du bas de la couche d'eau de surface plus chaude. C'est comme si, en remontant, le bateau heurtait une membrane élastique.

    Jean-Claude, après réflexion, accepta de procéder à cette manœuvre qui ne présentait aucun danger, et qui focaliserait l'attention de tous sur le fonctionnement du sous-marin dans des conditions très rarement rencontrées.

    « Moteurs électriques stop » ordonnai-je à l'homme de barre, qui retransmit l'ordre au poste de propulsion. Le loch passa doucement de 2 nœuds à zéro, tandis que l'indicateur d'immersion montrait un début de remontée, et que le navire s'inclinait peu à peu sur l'avant.

    « Admettre 100 litres et passer 100 litres vers la caisse d'assiette arrière »

    Le temps que le mécanicien effectue les mouvements de liquides, la vitesse ascensionnelle avait augmenté et l'assiette s'était accentuée. Apparemment, il n'était pas si facile d'anticiper ; il fallait reprendre la manœuvre, car il n'était pas question de franchir la couche et de se retrouver en surface...

    «Electriques avant zéro. Revenir à l'immersion de 100 mètres »

    De retour à la situation initiale grâce à la vitesse acquise, j'ordonnai cette fois d'admettre à nouveau 100 litres et de passer encore 50 litres sur l'arrière, avant de stopper les moteurs.

    Cette fois, le sous-marin remonta lentement, très lentement, mais avec une assiette devenant positive. Je fis alors passer 30 litres sur l'avant, juste avant qu'on arrive sous la couche. Comme prévu le bateau s'arrêta de monter. C'était gagné !

    Cela ne dura cependant pas longtemps. Le rondier de l'arrière, sans prévenir, vint faire un tour au Central pour voir comment se passait la manœuvre. Evidemment, un homme de 70 kg passant de l'arrière au milieu du bateau équivalait à transférer une trentaine de litres d'eau des caisses d'assiette ! Le sous-marin se remit à piquer du nez, et avant que le coupable soit retourné à son poste, il fallut redonner de la vitesse pour compenser son déplacement intempestif.

    Bref, ce petit jeu dura tout le quart, avec des transferts de quelques litres de temps en temps, et parfois des ajustements de poids sur les régleurs pour compenser la non uniformité exacte des températures. Nous sommes restés ainsi quelques heures, coincés sous la couche, sous-marin immobile, tout le monde à son poste sans bouger.

    Ce fut un moment presque magique, avec ce silence qui régnait dans les deux postes de commande, chacun guettant le manomètre d'immersion ou l'indicateur d'assiette, avec juste le bruit assourdi de la ventilation, les craquements habituels de la coque et les rares paroles échangées à mi-voix, comme s'il ne fallait pas troubler le fragile équilibre du navire, pour une fois parfaitement réalisé.


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  • Sur la colline située à quelques centaines de mètres, un homme était allongé sur un rocher en saillie et observait la maison d'Alice avec des jumelles. Il était d'âge moyen, plutôt petit, barbu, les cheveux roux attachés en catogan. Ses vêtements, d'aspect militaire, semblaient solides, mais usagés. Son visage présentait une blessure profonde à la pommette droite, assez ancienne mais pas encore cicatrisée. Un fusil d'assaut était posé à côté de lui, et, à deux pas, un cheval attaché à un arbuste broutait l'herbe rase, invisible de la maison et de la route qui y menait. Près de lui, un morceau de pain entamé et une gourde attestaient un repas frugal et récent et une présence déjà longue en ce lieu.

    Il vit donc Alice partir vers le champ avec sa vache, puis les garçons monter sur le plateau et commencer à piocher la terre dure. De temps à autre, son attention se portait sur la route et sur le virage qui, au-delà, conduisait à la vallée. Lorsque les trois cavaliers apparurent, avançant au petit trot, il se mit à jurer à voix basse, l'air atterré, son visage se décomposant pendant qu'il les examinait attentivement. Alors qu'il avait auparavant l'air sûr de lui, il paraissait maintenant indécis et hésitant.

    Il les vit mettre pied à terre et deux d'entre eux entrer dans la maison, puis ses mains se mirent à trembler quand le troisième homme intercepta Alice. Il prit son fusil, visa, mais ne tira pas : il était trop loin pour être sûr d'atteindre sa cible. Lorsqu'il vit les deux garçons descendre discrètement la pente et se rapprocher de la maison, il se leva d'un bond en murmurant : «Non ! Pas eux aussi ! » et se mit à courir dans leur direction. Mais il était trop loin pour qu'ils l'entendent s'il les appelait, et il n'avait aucune chance d'arriver avant eux. Comme dans un cauchemar, il entendit Alice crier, la porte s'ouvrir et claquer, un coup de feu retentir. Il redoubla de vitesse, livide, s'attendant à tout moment à d'autres détonations, mais rien ne se produisit.

    Lorsqu'il arriva enfin sur le seuil, essoufflé, les yeux fous, le fusil à la hanche, il surprit Alice et les enfants en train de ligoter les trois individus inconscients. Ils se levèrent d'un bond, empoignant leur gourdin, et il dut reculer pour ne pas être à son tour assommé. Il leva les bras, le canon du fusil pointant vers le ciel. Ils prirent alors le temps de se dévisager.

    Alice fut la première à réagir : «Matthew ! » cria t-elle, jetant son arme et se précipitant vers lui. «Matthew, c'est bien toi ? ». Puis les garçons s'approchèrent aussi, riant, criant, se mettant à parler en anglais : « Papa, papa, c'est toi ? ». Matthew jeta son fusil à terre, un sourire éclairant son visage, des larmes au bord des yeux, les prenant tour à tour dans ses bras. « J'ai eu tellement peur pour vous, mais maintenant tout va bien, tout va bien ! Ils ne vous ont pas fait de mal, au moins ?»

    Tous les regards se portèrent sur les trois hommes à terre, toujours sans connaissance. Alice demanda : « Qui sont ces gens ? Pourquoi se conduisent-ils comme ça ? » Matthew répondit : « C'est une longue histoire, que je vous raconterai en détail plus tard, car les temps ont bien changé. Vous ne savez pas de quoi les hommes sont capables aujourd'hui, et ceux-là en particulier. »

    Il les observa et reprit :

    « Ces deux là sont des collègues de l'armée, que j'ai connus à Fos, mais celui-là je ne sais pas qui c'est, il a dû se joindre à eux récemment. Je les attendais depuis hier soir, et je les aurais descendus avant qu'ils n'arrivent à la maison, mais à trois je n'avais aucune chance. Les dieux ont été avec nous, heureusement que les garçons ont eu de l'initiative, j'ai eu tellement peur en les voyant se précipiter avec autant de détermination... »

    Alice le regarda avec étonnement :

    « Les descendre ? Toi, Matthew, qui n'a jamais pu tuer un lapin ?  Je ne comprends pas... Qu'ont-ils fait ? »

    John soupira.

    «Tu as bien vu ce qu'ils allaient te faire. Ici, la vie est dure, mais au moins vous êtes en paix avec vos voisins. Vous ne savez pas ce qui se passe dans la plaine et presque partout ailleurs. C'est l'anarchie, et la loi du plus fort est devenue la règle. Ces gens là, j'ai eu le malheur de leur parler trop souvent de vous, de la maison, de la tranquillité de la région et de ses ressources, de la route pour y aller, et de ta beauté aussi, Alice...Eux, la loi du plus fort, ils s'y sont mis tout de suite, dès qu'ils ont eu des armes et des munitions, et un soir ils m'ont dit que mon petit paradis était bien alléchant et qu'ils avaient envie d'aller y passer quelques vacances avec moi, à condition de ...tout partager, si tu vois ce que je veux dire. Je ne voulais pas. Ils m'ont attaqué et frappé à coups de crosse au visage, me laissant pour mort, et sont partis. Je les ai suivis, dès que j'ai pu, tant bien que mal. Tu ne peux pas savoir les dégâts qu'ils ont fait sur leur passage. »

    Il considéra à nouveau les trois hommes, puis Alice et ses garçons, et ajouta :

    « Ces gens là, on ne peut plus leur faire confiance. Si on les libère, ils reviendront, demain, ou dans un mois ou dans un an. Ils sont devenus des prédateurs. Jamais ils ne prendront une pioche pour cultiver la terre. Ils n'auront de cesse que de trouver des armes et de faire travailler les autres sous la menace. Nous aurons toujours cette épée de Damoclès au-dessus de nous, et nos voisins aussi. Même si c'est difficile et inhumain, il n'y a qu'une solution : les détruire, comme la vermine qu'ils sont devenus. »

    Horrifiés, sa femme et ses enfants le regardaient, muets.

    Jusqu'à midi, il leur raconta en détail ce qui s'était passé depuis un an qu'il les avait quittés, tentant de les convaincre. Il leur décrivit les ravages de la guerre, puis, après la défaite, les pillages des bandes de soldats dépenaillés et les forfaits auxquels ces hommes s'étaient livrés, gratuitement le plus souvent.

    Puis il alla chercher son cheval, et transporta l'un après l'autre les trois hommes sur la colline. Personne ne l'aida, mais personne ne s'opposa non plus. Après le dernier voyage, Alice et les enfants massés sur le pas de la porte entendirent trois coups de feu. John redescendit, le visage tiré, traînant péniblement son cheval derrière lui. Il s'arrêta devant eux, les regarda successivement, puis alla s'asseoir, la tête dans les mains.

    Alice, épouvantée, le contemplait, anéantie, vide de sentiments. Comment allaient-ils pouvoir vivre ensemble désormais ?

    Les ténèbres avaient commencé à recouvrir le monde, même ici.


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  • Sujet :

     A partir de la photo ci-dessous, imaginez les circonstances de la scène et son déroulement, sachant que le trait de caractère dominant du petit garçon est "timide". 

    La fin devra inclure une résolution, une responsabilité ou un projet pour l'enfant, la classe et la maîtresse.

    Le muguet du premier mai

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Texte:

    A huit heures moins cinq en ce 2 mai 1950, Jojo entra dans la cour de récréation de son école, et attendit que la sonnerie retentisse. La plupart des élèves étaient déjà là, un brin de muguet à la main, et, tout excités, comparaient bruyamment la grosseur et la blancheur de leurs clochettes. Jojo resta à l'écart, son cartable à la main, attendant comme tous les autres l'arrivée de la maîtresse

    « Alors, Jojo, t'as pas de muguet, toi ? T'as oublié ? »

    Au moment ou Alain, le plus grand de la classe, lui posait cette question, la maîtresse apparut sur le préau, si bien qu'il ne répondit pas. Les enfants se précipitèrent, brandissant leurs bouquets et interpellant la jeune femme à grands cris :

    « Bonne fête, Madame, bonne fête, bonne fête ! Madame ! Madame !... »

    En souriant, elle les fit mettre en rang tout en disant :

    « Merci les enfants, vous êtes très gentils ! En entrant, vous poserez vos muguets sur le bureau, je les rangerai après. »

    Quand tout le monde fut installé, un grand nombre de brins jonchaient pêle-mêle le bureau de la maîtresse.

    « Georges, Marie, venez ici et mettez tous les brins de muguet les uns à côté des autres, bien alignés, les plus gros à droite, les plus petits à gauche. » Les élèves ainsi désignés s'approchèrent et firent ce qu'on leur avait demandé. Georges ne put s'empêcher de dire fièrement :

    « Le plus gros, là, c'est le mien. C'est Papa qui l'a acheté, même qu'il a coûté... »

    « Georges, tais-toi, l'interrompit la maîtresse. Ce qui compte, c'est que vous ayez tous pensé à moi, et le prix n'est pas le plus important. Vas t'asseoir.

    Maintenant, on va en profiter pour faire un peu de calcul, pour voir si vous avez bien appris vos leçons sur les additions.

    Jojo, viens au tableau. Tu vas compter les bouquets où il y a un seul brin, et ceux où il y en a deux ou plus de deux. »

    Rougissant, Jojo s'approcha et, s'aidant du doigt, se mit à compter d'une voix fluette :

    « Un, deux , trois, ...onze. Ça fait onze gros bouquets. »

    « Vous notez tous onze sur votre ardoise, et Jojo tu l'écris aussi au tableau. »

    Jojo continua :

    « Un, deux, trois,....quinze. Il y a quinze petits bouquets. »

    « Bien, vous notez quinze sur vos ardoises et vous faites l'addition. Jojo aussi »

    Un moment de silence concentré régna dans la salle. On entendait le crissement des crayons sur les ardoises, et celui de la craie de Jojo sur le tableau.

    « Alors ? Quel est le résultat ? On se tait, levez-le doigt. Oui, Delphine ?

    « Ça fait 26 Madame »

    « Tout le monde est d'accord ? »

    « Ouiiii ! » répondit le choeur des enfants.

    Jojo au tableau n'avait pas encore fini son opération, il effaça vite le 27 qu'il avait écrit, mais la maîtresse l'avait vu.

    « Jojo, tu triches, ce n'est pas bien. Tu savais que dans la classe on est 27, mais pas de chance, il y en a un qui n'a rien apporté. C'est bien d'être malin, mais ce n'est pas ainsi qu'on fait les additions. »

    Du fond de la classe, Alain se mit à crier :

    « Madame, je l'ai vu ! C'est lui qui n'a pas apporté de muguet, c'est lui ! C'est Jojo !»

    L'institutrice fronça les sourcils.

    « Alain, ce n'est pas bien de dénoncer les autres. Chacun est libre d'apporter ou non du muguet à la maîtresse le 1er mai, ce n'est aucunement une obligation. Ne recommence pas ! »

    Se tournant vers Jojo, elle vit alors celui-ci sortir de sa poche un brin de muguet tout chiffonné, aux clochettes écrasées. D'un air penaud, regardant ses pieds, il dit d'une voix à peine audible :

    « C'est parce qu'il est pas beau que je l'ai pas mis avec les autres... Mais c'est moi qui l'ai cueilli hier dans les bois...»


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  • Ecrire le même début d'histoire d'une autre manière

    Texte :

    « Debout, John ! Debout Henry ! » murmura Alice.

    John se réveilla, doucement secoué par la main de sa mère, et s'étira bâillant avant de se lever promptement. A ses côtés, son frère cadet réagissait moins vite, se retournant plusieurs fois avant de rejeter enfin sa couverture en soupirant. Tous deux étaient de grands adolescents de 16 et 17 ans, volontaires et travailleurs, mais Henry avait beaucoup plus de mal que son frère à s'habituer à cette nouvelle vie, à la disparition brutale de presque tout ce qui constituait la civilisation de ce début du XXIème siècle, après que les bombes soient tombées sur la plupart des grandes villes occidentales, et en particulier sur Londres où ils vivaient.

    Ils étaient en vacances en Lozère lorsque la catastrophe s'était produite, mais il avait fallu s'adapter rapidement pour survivre. Par chance, ils avaient un grand potager dans cette maison de campagne, et leurs parents s'étaient même pris au jeu en achetant une vache, des poules et des lapins pour jouer aux paysans français, ou plus exactement, pensait John en souriant, aux citadins en veine de retour à la nature, mais il y avait un gouffre entre cet amusement et ce qui était devenu maintenant un impératif de survie. Puis son père avait été rapidement réquisitionné, tout anglais qu'il était, pour aller avec les hommes valides de la région vers le terminal pétrolier de Fos sur Mer défendre ce qui restait de l'Europe contre les envahisseurs, dont on ne savait toujours pas vraiment qui ils étaient et qu'on n'avait pas encore vus. Cela faisait maintenant près d'un an qu'il était parti, et ils n'avaient pas eu de ses nouvelles depuis ce triste jour.

    Après une brève toilette à l'eau froide, ils s'attablèrent dans la cuisine où Alice leur avait préparé le petit déjeuner : un bol de lait, du pain cuit la veille dans le four, et du beurre baratté la semaine précédente. Ce fut vite expédié, car ils avaient du travail ce matin, le champ à désherber et à préparer avant les semis d'automne, sans aucun instrument mécanique pour les aider. C'était dur, mais ils avaient ainsi gagné des muscles solides, et commençaient même à aimer cette vie, en dépit du manque criant de loisirs qu'elle impliquait. Leur mère était à l'extérieur, regardant une fois de plus la route au fond de la vallée, guettant sans grand espoir l'hypothétique retour de son mari...

    Ils passèrent à la remise derrière la maison pour prendre les outils, bêches, pioches , houes et râteaux dont ils avaient besoin, et grimpèrent sur la colline où se situait le champ, à quelques centaines de mètres, derrière un petit bosquet. Ils se mirent immédiatement au travail. Le temps était gris, il n'y avait pas de vent, et on n'entendait que le bruit des pioches et le souffle des deux jeunes gens.

    Soudain, un bruit inhabituel les fit s'arrêter et relever la tête : venant de la direction de la maison, des bruits de sabots et un hennissement de cheval annonçaient l'arrivée de visiteurs. Ils allèrent jusqu'au bosquet afin de voir qui c'était, et reculèrent immédiatement pour se dissimuler lorsqu'ils virent l'un des trois hommes menacer leur mère qui revenait du pré où elle avait conduit la vache. Elle entra dans la maison, suivie de près par l'individu qui la poussait du canon de son fusil. Les deux autres étaient déjà installés à l'intérieur.

    Les deux frères se concertèrent brièvement sur ce qu'il fallait faire. Ils ne pouvaient laisser longtemps leur mère seule avec ces gens apparemment dangereux, mais ils n'avaient pas d'armes et ne savaient pas si leur présence était connue des intrus. Ils hésitaient. Mais lorsqu'ils entendirent un cri poussé par Alice, suivi de rires et d'exclamations des hommes, ils se décidèrent. A l'aide de la houe, ils ôtèrent rapidement les manches de bois des pioches, et descendirent aussi discrètement que possible le chemin, munis de ces gourdins improvisés. Arrivés derrière la maison, John qui était le plus grand, se hissa sur la pointe des pieds afin de jeter un coup d'oeil par le vasistas de la cuisine, évitant la fenêtre, trop exposée. La scène se figea sur sa rétine comme un instantané photographique : sa mère, de profil, s'activant devant le fourneau, et les trois hommes attablés devant une bouteille, leurs yeux fixés sur elle, le verre à la main. Deux d'entre eux tournaient le dos à la porte, le troisième l'avait sur le côté, et les fusils étaient appuyés contre le mur derrière lui.

    Il expliqua à voix basse la situation à Henry, et ils s'apprêtèrent à agir, le cœur battant. Quand ils entendirent à nouveau leur mère crier, avec le bruit d'une poêle tombant sur la table, ils se précipitèrent. John ouvrit violemment la porte qui heurta le mur, et ils abattirent leur gourdin sur la tête des deux hommes qui leur tournaient le dos, les étendant pour le compte. Mais le troisième arriva à se saisir d'un fusil et tira sur eux au moment où Alice lui frappait sur le bras, envoyant ainsi la décharge dans le sol, avant qu'ils ne reçoive à son tour deux coups de bâton. Sanglotante mais rageuse, Alice ajouta un coup de tisonnier final.

     

     

     


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  • Sujet :

    Ecrire trois longues phrases, de plusieurs lignes chacune

    Texte :

    Phrase 1

    Il suit la jeune femme dans cette avenue encombrée de la grande ville, heurtant les piétons au passage, les yeux rivés sur la chevelure qui ondoie sur ses frêles épaules, découvrant par instants le cou si tendre, si souvent caressé, et les lobes des oreilles délicates où s'accrochent deux petits diamants, ces diamants qu'il lui a offerts le matin même en gage de son amour renouvelé, avec l'espoir absurde que cela changerait l'inéluctable cours des choses, que reviendrait la force qui les a unis dès le premier jour, mais qu'il a senti décliner au fil du temps, ce temps somptueux des débuts qui devient maintenant son ennemi invincible et triomphant. 

    Phrase 2

    Sur la table basse de la salle de séjour, voici le journal, le cendrier et le vase de fleurs séchées, objets incontournables de la vie ordinaire, qui renouvellent jour après jour par leur présence rassurante et discrète leur message de permanence et de confiance, si différent de celui de la vie agitée et parfois frénétique de la maison, cette maison qu'ils illuminent à leur manière lorsque la nuit tombe, que l'activité se réduit et que la fatigue de la journée ralentit le temps jusqu'à le mettre en suspens.

    Phrase 3

    La neige tombe drue, avalanche claire et douce se déversant d'un ciel d'encre, étouffant les moindres bruits, transformant subtilement et tranquillement le paysage alentour en lavis monochrome, couvrant la terrasse, la table et l'herbe du jardin d'une couche blanche qui s'épaissit doucement et sur laquelle, demain, sous un soleil éblouissant, se dessineront les traces menues des moineaux et des petites bêtes nocturnes à la recherche difficile de leur nécessaire pitance.

     


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